Légendes et chansons de gestes canaques de Louise Michel - XIII - Chanson de guerre

Publié le 15 Avril 2019

Légendes et chansons de gestes canaques
1875
 

 

Petites Affiches de la Nouvelle Calédonie
Journal des intérêts maritime, commerciaux & agricoles
paraissant tous les mercredis.

 

Jusqu’à présent on s’est beaucoup occupé de faire prospérer la Calédonie, mais on n’a jamais senti le besoin de chercher à conserver les traditions et les légendes des tribus qui, refoulées de plus en plus, disparaîtront bientôt ou du moins verront nos us et coutumes remplacer les leurs sans qu’il en reste même de trace. Quelques voyageurs ont écrit des romans auxquels on a cru tant qu’on n y est pas venu voir, mais alors il a fallu abandonner les idées faites d’avance.

Comme le dit l’auteur des chants que nous sommes heureux de donner à nos lecteurs, il est grand temps, si l’on veut garder quelque chose de pur et d’intact des chants de ces grands enfants de la nature, et nous ne pouvons que la féliciter de la tâche entreprise par elle et menée à si bonne fin.

C’est bien là ce ton mélancolique, ce sont bien là ces chants uniformes et tristes que la nuit quelquefois l’on entend sortir d’une cour isolée ou qui s’élèvent tout à coup autour d’un brasier à demi éteint.

C’est bien là ce chant de guerre que doivent vociférer nos insulaires ; les pilous pilous pacifiques que nous avons autrefois vu exécuter à Nouméa peuvent nous en donner une idée. Mais ne retardons pas plus longtemps le plaisir que procurera certainement à nos lecteurs le travail inédit que nous lui offrons :

XIII
Chanson de guerre

Le chef de guerre (damé pait) a poussé l’igaou (cri d’appel) ; les guerriers s’assemblent ; on dirait un grand vol d’aigles.

Ils s’assemblent ! ils s’assemblent ! Leur foule s’étend ! s’étend toujours ! Tout à l’heure ils n’étaient que jusqu’aux pins ; maintenant, les voilà jusqu’à la mer.

Et partout retentit le cri de guerre, le terrible : dia, dia, akatika !

Le sorcier a, la veille, au clair de lune, déterré la pierre apel pait, enfouie pendant la paix aux pieds des hauts sapins ; il a fait cuire l’igname et laissé la part des morts.

La veille aussi on a envoyé un guerrier, l’apouèma (masque de guerre) sur le visage ; il a jeté la sagaie devant l’ennemi, et il a, en la jetant, tué un jeune homme.

La tribu attaquée est de son côté venue dans l’ombre de la nuit et deux jeunes hommes ont été tués.

Le sang ouvre la source au sang ! Que de morts vont dormir au soleil couchant.

Chanteurs, si demain vos esprits ne sont pas errants sous le grand lac, vous direz comment sont tombés les braves.

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