Lune de miel à Majorque
Publié le 27 Mars 2019
La destruction durable et implacable du littoral et de l’intérieur plus ou moins proche, n’est pas un phénomène exclusif de Majorque, mais de toute la Méditerranée, de sorte que ses effets sont plus ou moins visibles partout, en fonction du niveau d’avancement de la spéculation immobilière et de la construction de périphériques ou de déviations.
La particularité des îles Baléares est que ce phénomène s’observe à l’état pur et à échelle réduite, ce qui en fait un laboratoire où il est possible d’étudier l’involution d’une petite partie de la société, entourée d’eau, en fonction de l’adaptation de ses ressources territoriales et de ses atouts culturels, communs, à une seule activité économique, privée et ne poursuivant qu’un enrichissement personnel.
Sans aucun doute, tous les maux des Majorquins proviennent du tourisme. Le tourisme est la cause principale de la destruction du territoire et de l’extrême conditionnement de la vie de ses habitants. En seulement cinquante ans, il a transformé l’île beaucoup plus profondément que tout ce qui s’est passé au cours des deux derniers millénaires, pourtant riches en changements. Il faudrait remonter à la conquête chrétienne du XIIIe siècle pour revoir Majorque devenue un immense butin. Le tourisme a dévoré le stock de terrain et inondé l’île d’asphalte, de ciment et de résidus polluants. S’il continue, même sans croissance, il n’y aura plus de recoin à sauver de la dégradation la plus abjecte.
Je n’entends pas par tourisme l’empressement du voyageur qui s’aventure à la recherche de lieux pittoresques animé par la curiosité vers autres lieux et autres personnes. Le touriste d’aujourd’hui ne visite pas Majorque pour observer les coutumes du peuple majorquin, minoritaire et étranger dans son territoire, pour contempler ses monuments historiques ou pour découvrir ses paysages, incapable de les apprécier. Il est déversé à la pelle pour de courts séjours à l’aéroport de Son-Sant-Joan et dirigé vers la côte, où il trouvera un espace sur mesure, dévasté et complètement marchandisé, pensé seulement pour le loisir et la satisfaction de ses besoins essentiels de soleil et plage comme les façonne l’entreprise touristique. Tout le reste, de la nourriture à la détente, doit ressembler le plus possible à ce qui caractérise la vie aliénée qu’il mène dans son pays d’origine, bien gravée dans son imaginaire perturbé. Le touriste ne veut rien contempler d’autre que lui-même, c’est pourquoi il emporte son monde avec lui. Le touriste d’aujourd’hui n’a rien à voir avec le voyageur romantique du XIXe siècle ou avec l’intellectuel qui s’ennuyait de la métropole du XXe siècle. C’est un produit de la société de consommation, salarié, étudiant ou retraité, dont les loisirs grégaires font l’objet d’un profit économique.
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