Colombie – Le peuple Yukuna

Publié le 22 Février 2019

 

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Peuple autochtone de l’Amazonie colombienne vivant dans le bassin du Miriti-parana sur une étendue d’environ 250 km2 comprise entre le rio Apaporis et le rio Caqueta.

Population : 550 personnes

Localisation

Dans le département d’Amazonas

Resguardo Miriti-Paraná, Resguardi Comeyafu, La Pedrera, Puerto Córdoba, Villa Azul.

Autres noms : yucuna, yukuna, kamejeya

Les différents segments patrilinéaires Yukuna pratiquent l’exogamie, les Camejeya se marient principalement avec les Matapi ou Jupichiya, Je’ru’ihua et Jurum’i.

Ces dernières décennie on enregistre des mariages avec d’autres ethnies, dont les Tanimuca, les Macuna, les Miraña et les Huitoto.

Langue : yucuna de la famille des langues arawak, elle fait partie du groupe central.

en jaune arawak

Miriti-parana De Andrés Aldebarán - Registro fotográfico personal en viaje de trabajo al corregimiento., CC BY 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=15336211

Activités de subsistance/répartition sexuée des tâches

Ce sont d’excellents chasseurs, vivant à l’intérieur de la forêt sur de petits cours d’eau entre de grandes rivières. Mais ils vivent principalement de leurs jardins et secondairement de la chasse et de la pêche et de la cueillette. Ils sont donc considérés comme horticulteurs, les taches sont régies par la division sexuée.

Les chagras sont préparées par les hommes, nettoyées en commun et plantées par les femmes.

Les hommes récoltent essentiellement le tabac et la coca, car ce sont des cultes masculins par excellence.

Les hommes n’ont pas le droit d’entrer dans les plantations des femmes, sans y être au préalable invités. Les cultures sont donc le domaine des femmes et elles font ce qu’elles veulent.

La cueillette et la pêche sont des activités mixtes.

La chasse est une activité masculine car elle requiert l’usage d’armes.

Malgré tout c’est le travail des femmes, c’est-à-dire la culture qui fournit la plus importante ressource alimentaire, surtout la culture du manioc amer. Mais la chasse et la pêche fournissent les protéines animales. Sans protéines animales le repas n’est pas considéré comme un vrai repas.

Organisation sociale

Le mariage préférentiel est avec la cousine croisée bilatérale : un homme avec la fille du frère de sa mère, une femme avec le fils de ce dernier.

Un tel type de mariage permet théoriquement à deux familles d’échanger leurs fils et leurs filles génération après génération ce qui veut dire que deux beaux-frères sont cousins.

Tout mariage est accompli en échange entre deux groupes, entre deux lignages, qui est répété si possible à chaque génération.

Le type de résidence est la résidence patrilocale, les fils habitent avec leur père ou dans des habitations indépendantes de la maloca paternelle et forment une entité stable.

Les jeunes filles quittent leur maison natale pour aller vivre dans la maloca de leur époux, beaux-frères et beau-père.

Le peuple est constitué par 4 groupes exogames ayant leur propre langue :

Yukuna à proprement dit – langue arawak

Matapi

Tanimuka

Letuama

Ces trois derniers groupes parlent une langue tukano.

Cette exogamie linguistique veut dire que mari et femme ont une langue maternelle différente, mais les mères enseignent les langues de leur mari aux enfants.

Ce peuple est souvent polyglotte.

Le peuple Yukuna est un peuple considéré comme « semi nomade », comme tous les peuples d’Amazonie.

Tous les 4/5 ans (actuellement 7/8 ans) ils abandonnent leur maison quand la toiture pourrit. Il faut des années pour trouver un emplacement propice à la construction de la prochaine maloca et sa construction.

Il faut aménager une clairière, procéder aux divinations magiques pour éliminer les calamités (mauvaises récoltes, maladies, épidémies, serpents, récoltes…).

Ceci est le rôle du maître de la maloca, dès que la maloca est terminée celui-ci doit penser déjà la prochaine maloca.

 

Images du site https://www.arcgis.com/apps/MapJournal/index.html?appid=4bc467d3a6bf4f9cba30330217d4062e

Chaman

Danse des esprits

Garçon Yukuna en costume

Masque de jaguar  Yukuna Jaguar mask in the Peabody Museum collected by Schultes

Yukuna dancers in sun masks

Yukunas administering tobacco snuff.

La maloca

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C’est une vaste nef circulaire de feuilles et de bois de 10 mètres de rayon et 10 mètres de haut. Toutes les malocas sont confectionnées dans différentes essences végétales selon les parties ; il n’y a aucune pièce métallique présente dans la construction. La similitude des malocas est essentielle dans l’échange des rituels exogames.

Dans la maloca chaque chose à sa place et il y a une place pour chaque chose.

Les piliers centraux soutenant la toiture : dans l’aire centrale on reçoit les étrangers, on écoute les mythes, on échange, on danse aussi.

A la périphérie des piliers centraux : se dressent 12 poteaux qui aident à supporter le toit, qui délimitent une zone intermédiaire circulaire où se déroulent les activités communes (surtout masculines), l’artisanat, la nourriture pour les rites, c’est aussi la place des enfants.

Les bas côtés de la maloca sont le domaine privé des familles.

La maloca est dotée de 2 portes, l’une à l’ouest qui est la porte principale et l’autre à l’est qui est la porte des étrangers (pajinumana ou bouche des maisons), tout étranger doit obligatoirement entrer par cette porte après s’être annoncé verbalement et non sans y avoir été autorisé. A l’opposé se trouve la porte domestique ou mu’urunumana qui est empruntée uniquement par les habitants de la maison.

Chaque maloca est orientée dans le même sens, la porte domestique à l’ouest et la porte des étrangers à l’est ce qui découpe l’aire interne en 4 quartiers :

A droite de la porte domestique, c’est le quartier du ménage du maître de maloca, puis par ordre décroissant les familles de ses frères cadets.

A droite en entrant près de la porte principale c’est le coin des étrangers.

Dans le quadrant opposé au sud en commençant près de la porte domestique se trouve l’emplacement de la grande platine ou po’ori qui sert à griller les galettes de manioc amer ; elle est utilisée par les cuisinières de chaque famille.

A côté se trouve le trépied supportant une grande passoire pour laver le manioc amer et la presse qui pend qui sert à en faire une masse.

Plus loin se trouve le coin du chamane avec son petit banc et ses ingrédients et ustensiles magiques.

Le dernier quadrant est réservé aux vieillards des deux sexes, membres de la maloca qui n’ont pas ou plus de famille. Ils accrochent leur hamac à proximité des mapuarès (grands tambours rituels) ou kumu.

A droite de la porte principale en sortant siègent les ustensiles pour préparer la poudre de coca, le mortier et le filtre dans son récipient.

La maloca structure aussi le territoire qui l’entoure, elle est édifiée au milieu d’une chagra (clairière), autour de cette chagra seront ouverts les brûlis peu à peu qui seront défrichés pour en faire des jardins. Chaque femme mariée a plusieurs jardins qu’elle cultive et entretient parallèlement. Après quelques années les jardins sont abandonnés quand ils deviennent moins productifs, chaque maloca alors s’étend toujours plus loin, avec ses réseaux de cultures jusqu’à ce que les habitants décident de la quitter.

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La maloca immatérielle

La construction et l’organisation de la maloca sont liées à l’organisation sociale du peuple, à la division sexuée des tâches, aux échanges entre groupes exogames, à la division des tâches par âge.

Toutes les activités intérieures sont réparties avec un ordre précis :

Les femmes s’occupent des travaux ménagers et des soins aux jeunes enfants, elles réalisent la poterie

Les hommes se consacrent aux activités communautaires en général : corvées, chamanisme, mythes, rituels masculins, ils fabriquent la vannerie.

Cette répartition des tâches induit une hiérarchie et une discrimination entre les sexes.

Les tâches des fils suivent la division fraternelle et même de nos jours, seul l’aîné occupe encore la place de maître de maloca, dans la coutume le cadet devenait le chamane de la maison, le troisième fils mémorisait les mythes, les chants, les rites et remplissait la fonction de maître de cérémonies.

La maloca était donc censée être dirigée par une triade de frères sous l’égide du père. La maloca assurait une sorte de lieu entre la division sexuelle des tâches et les relations entre groupes exogames.

Elle était considérée comme le centre du monde, l’axis mundi passait par son centre peu importe où elle était située. Chaque maloca représentait un lignage qui était le centre du monde pour ses membres.

Vous en saurez bien plus en suivant ce lien-ci-dessous :

Source : Ni maison, ni village, la maloca Yukuna

Les liens pour ce peuple (en français)

Le site de Laurent FONTAINE, ethnologue linguiste des indiens Yucuna et Tanimuca d'Amazonie colombienne (en français, espagnol et anglais)

Les nouveaux espaces publics chez les Yucuna d’Amazonie colombienne - Laurent Fontaine,  Journal de la société des américanistes

La nuit pour apprendre. Le chamanisme nocturne des Yucuna d’Amazonie colombienne - Laurent Fontaine, Journal de la société des américanistes

Introduction à la langue et à l'écriture yucuna - Laurent Fontaine

Ni maison, ni village : la maloca Yukuna. Esquisse d’interprétation générative de Pierre-Yves Jacopin

Habitat et territoire Yucuna de Pierre-Yves Jacopin

 

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Colombie, #Yukuna, #Peuples originaires

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