L'année 2018 pour les Palestiniens de Gaza de Ziad Medoukh
Publié le 21 Janvier 2019
L'année 2018 pour les Palestiniens de Gaza
Une grande marche du retour et une situation catastrophique !
Ziad Medoukh
C'est difficile pour un palestinien de Gaza de faire un bilan de l'année précédente dans cette région enfermée et isolée, une région laissée à son sort depuis plus de treize ans.
Une nouvelle année qui s'écoule, et une autre qui commence, mais pour toute une population civile, une question qui se répète au début de chaque nouvel an : Où est le changement ?
Car depuis plus de treize ans, et à la fin de chaque année, les habitants de la bande de Gaza espèrent un changement de leur situation marquée par la souffrance, le maintien du blocus israélien inhumain, la poursuite des attaques israéliennes contre leur prison à ciel ouvert, et leur isolement dans une région abandonnée.
A part un petit espoir qui raccroche cette population à la vie et à l'avenir, rien ne semble avoir changé durant toute l'année 2018 pour plus de deux millions de citoyens, au contraire, en cette dernière année, tout est allé de pire en pire. Et je dis ici un petit espoir, parce que le mot espoir est devenu un luxe à Gaza.
Oui, c'est inimaginable que l'on puisse acculer un peuple tout un peuple à un tel désespoir.
Le seul événement en 2018 qui rend les citoyens de Gaza fiers est la Grande Marche du retour commencée le 30 mars 2018, et qui entre dans son dixième mois, en ce mois de janvier 2019. Une marche qui montre que seule la mobilisation populaire pourra défier les forces de l'occupation et nous permettre d'obtenir nos droits.
Les habitants de la bande de Gaza ont vécu une situation dramatique voire chaotique dans leur prison à tous les niveaux, surtout sur le plan humanitaire.
Nous avons assisté en 2018 à une détérioration des conditions économiques, sociales et sanitaires dans cette région en souffrance permanente.
L’année 2018 a connu la poursuite des événements tragiques pour les habitants de cette région enfermée et laissée à son sort, une région abandonnée par une communauté internationale officielle complice. Mais surtout elle n’a connu aucun changement sur le terrain,
L’année 2018 pour les habitants de la bande de Gaza, a été marquée par les événements suivants :
1- La détérioration du niveau de vie pour les habitants, et la baisse du pouvoir d'achat, sans oublier une vraie crise humanitaire et économique qui a touché tous les secteurs. Une crise liée au recul permanent du développement, et à l'incapacité de l'autorité palestinienne à payer totalement les salaires de ses fonctionnaires dans la bande de Gaza.
Le produit intérieur brut (PIB) a baissé de 1.3 %, et la capacité de production de l'économie a continué de s'éroder, avec un faible taux d'activité.
On est passé, suite à cette situation catastrophique dans la bande de Gaza, d’une économie familiale non-violente à une économie dépendante de l'occupant, et des organisations internationales.
2-Le maintien du blocus israélien inhumain et mortel imposé de façon illégale par les forces de l’occupation depuis plus de douze ans, et la fermeture totale des passages qui relient la bande de Gaza à l’extérieur.
Concernant les passages commerciaux : Actuellement, par jour, 270 à 320 camions entrent à Gaza via le seul passage commercial ouvert cinq jours par semaine. Ce passage se situe au sud de la bande de Gaza, mais la moitié de ces camions sont pour les organisations internationales et leurs projets de reconstruction d'écoles et de stations d’eau.
Le problème est que ce passage se ferme à n'importe quel moment et sous n'importe quel prétexte, par décision israélienne, sans prendre en considération les besoins énormes d'une population civile en augmentation permanente.
Gaza n’a droit qu’à 160 produits au lieu de 970 avant le blocus, quelques produits et médicaments n’entrent pas, ce qui a aggravé la situation déjà difficile. Selon les estimations des organisations internationales, la bande de Gaza a besoin de plus de 1300 camions par jour pour répondre aux besoins énormes de cette population. Sans oublier la liste de 120 produits toujours interdits d’entrer par ordre militaire israélien.
Cette fermeture a empêché la libre circulation des importations et des exportations des biens et produits de Gaza, en particulier les matières premières et les produits semi-finis.
Le gouvernement israélien refuse toujours l’ouverture de cinq passages qui relient la bande de Gaza à l'extérieur, et maintient son blocus sur Gaza.
Concernant les passages pour la circulation des personnes, les deux passages qui relient la bande de Gaza à l'extérieur sont: le passage de Rafah au sud de la bande de Gaza, et le passage d’Eretz au nord de la bande de Gaza, ont connu une faible ouverture partielle durant l'année 2018, ce qu'a rendu le déplacement des palestiniens de Gaza très limité. Le passage de Rafah a ouvert ses portes seulement 4 heures par jour en 2018, tandis que le passage d’Eretz contrôlé par l’armée israélienne n’est autorisé qu’à 4 % de la population, surtout les malades, les hommes d’affaires et quelques cas humanitaires.
3-La dégradation de la situation économique et sociale, le taux de chômage dépasse les 69% de la population civile selon le bureau palestinien des statistiques, mais le phénomène le plus dangereux est la hausse du chômage chez les jeunes de moins de 28 ans, qui atteint 77%, en 2018, plus de 60.000 personnes se sont ajoutées au chômage.
- La pauvreté. 75% de la population de Gaza vit en dessous de seuil de pauvreté
-L’augmentation du nombre de personnes qui dépendent des organisations humanitaires. 83% des Palestiniens de Gaza vivent grâce aux aides alimentaires. Selon les sources du bureau des Nations-Unies pour les réfugiés palestiniens –UNRWA- dans la bande de Gaza, plus de 1.300.000 personnes ont bénéficié du programme de l’aide alimentaire géré par le bureau en 2018, ce programme a élargi ses services pour cibler les citoyens et non seulement les réfugiés.
Sur le plan économique, la situation ne cesse de s’aggraver avec les conséquences dramatiques du blocus et de différentes agressions qui ont causé l’augmentation du chômage, et du niveau de pauvreté, sans oublier l’incapacité de bâtir une véritable économie dans la bande de Gaza.
Cette situation empêche tout développement d'une économie en faillite qui ne trouve pas les ressources nécessaires pour sortir d'une crise qui touche tous les secteurs.
Pour beaucoup d’économistes, l’année 2018 est considérée comme la plus catastrophique pour l’économie palestinienne depuis 20 ans.
4-La poursuite des incursions, bombardements et attaques de l'armée israélienne contre la bande de Gaza. On compte plus de trois cents violations israéliennes en 2018 : 150 bombardements, 95 incursions dans différentes zones frontalières au sud, au centre, et au nord de la bande de Gaza, 110 attaques contre les pêcheurs et leurs bateaux de pêche. Plus de 300 palestiniens ont trouvé la mort à Gaza suite à ces attaques et bombardements.
5-L'absence d'une unité nationale et l’échec des efforts de réconciliation inter palestinienne, malgré la signature d’un accord qui a mis fin de la division entre les deux partis rivaux : le Fatah et le Hamas, ce qui a aggravé la souffrance des habitants de la bande de Gaza.
6- La crise financière grave qui a touché l’UNRWA, l’agence des Nations-Unies chargée des réfugiés palestiniens, qui ne parvient pas à payer ni ses fonctionnaires, ni continuer à s'occuper de 65% de la population de Gaza. Cette situation résulte de la réduction des aides américaines en premier lieu, après les menaces du président Trump contre les Palestiniens.
Cette crise a été dépassée seulement fin 2018, après des engagements de quelques pays à continuer à financer cette organisation internationale.
7- La pénurie de l'électricité partout dans la bande de Gaza, durant toute l'année 2018 , chaque foyer à Gaza avait droit à 4 à 6 heures de courant électrique par jour.
Les forces d’occupation israélienne ont décidé de réduire la fourniture d’électricité à cette région sous blocus, afin de faire pression sur la population civile pour qu'elle arrête la Marche du retour.
Cette décision aggrave la crise humanitaire dans une région en souffrance permanente, et met en danger les infrastructures sanitaires et en particulier les hôpitaux.
Cette pénurie d’électricité avait des conséquences grave sur tous les secteurs vitaux dans cette région. Beaucoup d’usines ont été fermées
Outre ces coupures, à Gaza, c'est la pénurie d’eau. Tous les puits municipaux qui approvisionnent les habitants fonctionnent à partir du courant électrique.
8-Concernant l’eau : En 2018, à peine 3% des puits d'eau potable de Gaza sont propres à la consommation humaine. Les bombardements israéliens ont encore touché les infrastructures comme les aqueducs et les systèmes d'égout. Sans oublier un aquifère de qualité médiocre qui fait que 97% des puits d'eau potable à Gaza sont en dessous des normes minimales de santé pour la consommation humaine.
L'eau à Gaza est devenue rare et contaminée. Et avoir une eau potable saine et propre est devenue rare pour les habitants.
Les dommages causés aux canalisations d’eau et d’assainissement ont été immenses En décembre 2018, plus de la moitié des palestiniens de Gaza n’avait plus aucun accès à l’eau.
Cette catastrophe de l'eau et du traitement des eaux usées a causé une forte augmentation de maladies d'origine hydrique et alimentaire.
Une étude récente en 2018 a révélé que la mauvaise qualité de l'eau était une des principales causes de mortalité infantile à Gaza.
9- Le déclenchement de la Grande Marche du retour : un soulèvement populaire, pacifique et non-violent commencé le 30 mars 2018 sur les frontières de la bande de Gaza pour défier les soldats israéliens qui se trouvent d'une façon illégale dans des zones appartenant aux palestiniens.
Une marche initiée par la société civile, qui se poursuit jusqu'à nos jours avec une détermination pour la levée du blocus israélien, et cela malgré un bilan très lourd côté palestinien : plus de 270 morts dont 50 enfants moins de 16 ans, et plus de 25.000 blessés parmi eux 150 amputés.
A part cette grande Marche du retour, il n'a eu aucun changement dans le quotidien de plus de deux millions de citoyens, rien ne change, rien ne bouge, la vie est presque paralysée pour cette population civile. Et cela dure depuis longtemps, sans aucune réaction nationale, régionale ou internationale. Les habitants de Gaza vivent le jour au jour, ils essayent de s’adapter, de tenir bon, mais surtout d’exister.
L’aspect le plus grave de toute cette situation difficile des habitants de la bande de Gaza et qui marque l’esprit de la majorité des habitants, c’est l’absence de perspectives pour ces gens qui ne voient aucun changement, qui constatent que les choses n’avancent pas, ne bougent pas, à tous les niveaux : réconciliation, fin de division, amélioration de leur condition de vie, ouverture des passages, levée du blocus, fin d’occupation ; sentiment horrible qui va influencer l’avenir de cette génération, surtout celle des jeunes, qui commencent à perdre espoir en un avenir immédiat meilleur.
Au début de cette nouvelle année, des questions qui se posent :
Jusqu’à quand ce blocus israélien inhumain contre la population civile de la bande de Gaza ?
Jusqu’à quand la souffrance des Palestiniens de Gaza ?
Jusqu’à quand l'impunité de cet état d'apartheid ?
Jusqu’à quand le silence international officiel ?
Et jusqu’à quand cette injustice ?
La population civile se bat quotidiennement pour survivre, digne sur sa terre.
La situation stagne, rien ne bouge et les gens, sur place, attendent et attendent. Ils attendent une ouverture, ils attendent la levée de ce blocus inhumain, ils attendent une vraie réaction internationale afin de mettre fin à l’impunité de cette occupation illégale, ils n’ont pas d'autre choix que d’attendre, ils attendent avec un courage et une volonté remarquable. Mais surtout avec un message simple et clair : ici notre terre, nous ne partirons pas.