Brésil/Colombie/Venezuela : Le peuple Baniwa

Publié le 14 Décembre 2018

 

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Peuple autochtone vivant à la frontière du Brésil avec la Colombie et le Venezuela.

Ses villages sont situés sur les rives des rios Içana et ses affluents Cuiari, Aiari et Cubate et dans les communautés du bas rio Negro dans le Guainía, dans des centres urbains de São Gabriel da Cachoiera, Santa Isabel et Barcelos dans l’état d’Amazonas  au Brésil.

Il y aussi les Kurripako qui parlent un dialecte de la langue baniwa et qui vivent au Venezuela et dans le Haut Içana au Brésil.

Les deux groupes sont liés par la fabrication des paniers en fibres d’aruma , un art ancien transmis jusqu’à aujourd’hui et commercialisé sur les marchés brésilien.

Le mot baniwa est utilisé depuis l’époque coloniale pour désigner tous les peuples de langue arawak vivant le long du rio Içana et ses affluents. Ce n’est pas une autodésignation.

L’autodésignation est walimanai

Population

Brésil

Amazonas 7145 personnes (2014)

Colombie 7000 personnes (2000)

Venezuela 3501 personnes (2011)

Les anciens disent qu’autrefois les Baniwa ne vivaient pas si près des rives des rivières et construisaient leurs malocas près des sources des bras principaux des igarapés du bassin amazonien. C’est avec le temps et l’influence des missionnaires et des exploitants qu’ils ont été transférés de leurs anciennes malocas dans la selva sur les marges du rio Içana. Certaines communautés Baniwa se sont installés sur le rio Negro en dessous de São Gabriel da Cachoiera et des Walipere-dokenai et Hohodene vivent dans les environs de Barcelos.

Ils sont répartis en 93 villages (communautés et propriétés) que voici

Terres habitées au Brésil

           

Alto Río Negro- 7.999.380 hectares- 26.046 personnes – Homologuée

Aracá-Padauiri (bas Rio Negro) identifiée

Balaio- 257.281 hectares- 318 personnes – Déclarée

Cué-Cué /Marabitanas – 808.645 hectares- 1864 personnes- Déclarée

Jurubaxi-Téa – 1.208.155 hectares- 904 personnes- Déclarée

Médio Río Negro I – 1.776.140 hectares- 1989 personnes – Homologuée

Médio Río Negro II – 316.194 hectares- 1367 personnes – Homologuée

Rio Padawari - Identifiée

 

 

Histoire

Au début du XVIIIe siècle ils font alliance avec les Cavere (groupe de Piapocos du rio Guaviare) contre les expéditions de guerre des Karib en vue d’obtenir des esclaves pour les espagnols. A la même période ils figurent dans les sources portugaises en tant qu’esclaves.

Entre 1740 et 1755 ils ont été capturés en grand nombre et envoyés à Belém. Ils ont sans doute aussi été absorbés par d’autres peuples autochtones lors des guerres et des captures d’esclaves dans la première moitié du XVIIIe siècle.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle se propagent les maladies de contact avec les blancs au sein des Baniwa et il y a de nombreux décès.

Dans les années 1740/1780 ils subissent de graves épidémies de rougeole et de variole. On les convainc de quitter leurs terres et d’aller dans les villes coloniales pour travailler pour les blancs (agriculture, servie royal, collecte de produits de la forêt). S’ils refusent on leur envoie l’armée portugaise ou d’aitres peuples originaires pour les faire partir de force.

Dans les années 1780 sont signalées plusieurs offensives sur les villages Baniwa auxquelles ils ont résisté ce qui leur vaut la réputation de « guerriers ».

 

Photo: Pedro Martinelli, 2000

A la fin du XVIIIe siècle les colonies portugaises et espagnoles traversent une période de désorganisation ce qui permet aux peuples indigènes de revenir sur leurs territoires comme c’est le cas pour les Baniwa qui arrivent à reconstruire une société.

Vers 1830 les marchands blancs entrent par le rio Negro supérieur pour recruter de la main d’œuvre indigène pour l’industrie d’extraction des produits de la forêt, des services domestiques dans les maisons des familles de l’élite de Manaus. A partir de 1857 ,a résistance croissante des indiens du Rio Negro à la domination blanche ce qui va provoquer des mouvements messianiques chez les Baniwa, les Tukano , les Warekena. Une nouvelle figure de prophètes Baniwa apparait donnant une forme d’organisation religieuse nommée Le chant de la croix ou religion de la croix qui durera jusqu’au début du XXe siècle, une forme de syncrétisme religieux.

Dans les années 1870 le boom du caoutchouc atteint le haut Rio Negro et de grands entrepreneurs de Manaux prennent le contrôle des terres et des ressources de la région, exploitant les indiens avec leurs armées pour arriver à récupérer le caoutchouc.

Un entrepreneur espagnol di nom de M.Germán Garrido y Ootero contrôle l’Içana pendant 50 ans en installant une sorte de système féodal et des centaines de Baniwa seront à son service. Ses enfants sont placés comme « délégués indiens » dans les villages stratégiques et s’occupent des « relations sociales ».

Même la création de missions salésiennes à partir de 1914 et la mise en place de postes du SPI (service de protection des indiens) à partir de 1919 n’arriveront pas à contrôler la situation.

Les récits des Baniwa sur cette époque sont remplis de violence, de fugues, de terreur, de ces événements qui ont marqué leurs vies.

L'évangélisation des Baniwa et les projets destructeurs de la civilisation

A la mort du dernier prophète Baniwa arrive Sophie Müller, une missionnaire fondamentaliste nord-américaine de la New Tribes mission, elle vient prêcher au sein des Baniwa le protestantisme évangélique et réactive les espoirs millénaristes des indiens. Elle commence l’évangélisation parmi les Kurripako de Colombie et prolonge son travail parmi les Baniwa d’Içana en 1949/1950.

Au début cette conversion semble pour les Baniwa une suite du mouvement prophétique et ils considèrent Mullër comme un messie, pourtant celle-ci préconisait l’abandon total du chamanisme, des partis caxiri et de la sagesse ancestrale pour adopter un mode de vie évangélique.

La majorité de la population croit alors en son message millénariste et croit qu’elle est un émissaire de dieu venu annoncer la fin du monde.

A la même époque les pères salésiens commencent à ouvrir une mission dans le bas Içana en confrontation directe avec le processus d’évangélisation protestante dans la région ce qui va provoquer une situation de conflit entre les disciples des 2 sectes.

Le SPI contraint Müller à quitter le pays en 1852 mais elle reste en contact avec les Baniwa par l’intermédiaire de pasteurs et de missionnaires des New Tribes mission jusqu’au début des années 90 où elle meurt.

Au cours des dernières décennies les Baniwa sont confrontés à une nouvelle vague de pénétration blanche au service politique de la sécurité nationale de l’état et les intérêts des sociétés minières.

A partir de 1970 commence la construction de l’autoroute périmétrale norte qui traverse les terres des Baniwa.

En 1986 est mis en œuvre le projet Calha Norte et dans les années 1980 les sociétés minières protégées par la police fédérale envahissent les territoires Baniwa qui détruisent leur environnement tout en maintenant la violence.

Face à cela les Baniwa renforcent leur position d’autonomie par rapport aux blancs. Les capitaines Baniwa revendiquent le contrôle des ressources minérales, s’opposent à la pénétration des blancs sur leurs terres. Les pressions constantes des entreprises soutenues par la police fédérale provoquent de grandes divisions internes chez les Baniwa. Certains restent favorables à l’entrée des entreprises et d’autres non.

Le projet Calha norte menace de détruire le territoire des Baniwa mais aussi de tous les indiens de la partie supérieure du Rio Negro.

Plusieurs dirigeants émergent pour organiser la résistance, ils participent à la FOIRN (Fédération des Organisations Indigènes du Rio Negro).

 

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Organisation sociale et politique

La société Baniwa est subdivisée en plusieurs phratries ou groupes de phratries qui sont Hohodene, Walipere-dakenai et Dzavinai, situés sur les routes des rivières de la région. Les phratries sont exogamiques (les membres ne peuvent pas se marier entre eux) et dans la passé elles étaient organisées en groupes linguistiques correspondant aux dialectes baniwa. Les seuls groupes linguistiques qui conservent leur identité de nos jours sont les Kurripako de Colombie et les Wakuenai.

L’ascendance est patrilinéaire, le noyau des communautés est constitué par des groupes de frères et sœurs issus de la famille fondatrice avec leurs familles. Ce sont les liens entre frères et sœurs qui , comme dans le cas des niveaux de phratries forment la base d’un système d’ordre hiérarchique en fonction de l’âge. Les dirigeants des communautés ou capitaines doivent avoir l’approbation de la communauté (du groupe des anciens) pour toute décision. Ils sont des intermédiaires dans les affaires intérieures et avec les étrangers, ils organisent les réunions, les activités, distribuent la production commune.

Dans les communautés évangéliques c’est l’autorité religieuse qui surmonte la hiérarchie traditionnelle des anciens. Depuis les années 90 sont apparues des associations politiques et de jeunes leaders indigènes ont émergé, ils restent malgré tout sous le contrôle et la censure de l’autorité politique traditionnelle de leurs communautés.

 

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Economie, mode de subsistance

Les activités de base sont l’agriculture et la pêche, les Baniwa ont une excellente intimité avec la selva.

La pêche est une activité qui a lieu toute l’année mais à la saison sèche ils organisent de grandes expéditions de pêche sur les lacs du centre de l’Içana. Ils maîtrisent de nombreuses techniques de ppeche dont les pièges et les filets, les appâts, les arcs et flèches, les machettes, les lances et le timbo (pêche à la nivrée).

Les activités commerciales et extractives ont contribué à modifier leur mode de subsistance. Ils ont participé aux extractions du piaçava (palmier), du caoutchouc, du sorva (un arbre produisant le latex) des noix du Brésil, des minéraux. La migration saisonnière du travail est devenue un schéma courant.

 

village Baniwa

 

Activités commerciales

Ils fabriquent des objets artisanaux, des paniers, des râpes à manioc, des filets, des ornements en plumes et ils vendent du manioc sur les marchés locaux. Ils sont les seuls artisans à fabriquer des râpes à manioc en bois avec des pointes de quartz dans toute la région (ils font des échanges intertehniques) et ils sont les principaux producteurs d’urutus.

Cosmovision

 

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Leur univers est composé de plusieurs niveaux associés à différentes divinités et esprits. Les cosmos est comosé de 4 niveaux (selon un chaman Hohoden) :

Wapinakwa « la place de nos os »

Hekwapi « ce monde »

Apakwa tekwrapi « l’autre monde »

Apakwa eenu « l’autre ciel »

Une vingtaine de mythes composent leur cosmologie et mettent en vedette Nhiãperikuli, responsable de la forme et de l’essence du monde, être suprême de leur religion.

La vie religieuse traditionnelle est basée sur de grands cycles mythologiques et rituels liés au premier ancêtre et symbolisés par les flûtes et les trompettes sacrées qui tiennent une place importante dans le chamanisme.

Les rituels d’initiations sont célébrés au moment des premières pluies, à la maturation de certains fruits, pour les rites d’initiation des garçons et des filles. Les flûtes et les trompettes sacrées ne doivent pas êtres vues par les femmes ni les filles sous peine de mort.

Le rituel d’initiation des filles a lieu juste après leurs premières règles. Elles sont initiées individuellement, leurs cheveux sont coupés courts, elles vivent une certaine période isolées et apprennent des femmes les choses nécessaires à leur future vie de femme : fabriquer la râpe à manioc, la céramique, les instruments en beiju, apprendre les gestes de la plantation et de la cuisine.

Un autre rituel d’importance est le pudali qui est célébré à l’époque de la maturation des fruits ou lors du frai du poisson (par exemple). La boisson caxiri et les danses ponctuent ces célébrations au cours desquelles les conflits entre beaux-frères sont alors mis de côté.

Les chamanes

Il y a 2 catégories de chamanes, ceux qui sont propriétaires des chants (malikai-iminali) et les chamanes (malhido). Les chamanes aspirent les objets pathogènes et les propriétaires des chansons eux soufflent.

Les chamanes connaissent très bien la cosmologie, les sources des maladies et leurs traitements. Ils sont aussi les médiateurs entre les affligés et les esprits ou divinités du panthéon Baniwa. Ils soignent, conseillent, guident les gens.

Dans les années 1950/1960 de graves conflits religieux ont éclaté dans les communautés Baniwa à cause de l’évangélisation des protestants et des catholiques, introduisant une tension alors inexistante chez les spécialistes religieux. Les communautés protestantes ont perdu tous leurs chamanes et le culte des flûtes et des razadores de Kalidzamai. Seuls les propriétaires des chansons moins importants pour les religions occidentales ont pu continuer leur pratique et leurs connaissances sans persécution. Des pasteurs radicaux ont fait campagne contre les chamanes de la rivière Aiary, seul endroit de la région Baniwa ou le chamanisme était encore pratiqué. Aujourd’hui l’institution chamanique Baniwa est en plein déclin. Une demi douzaine de chamanes seulement subsistent sur le territoire Baniwa au Brésil.

source Povos indigenas no brasil (ISA)

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Brésil, #Colombie, #Venezuela, #Peuples originaires, #Baniwa

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