Amazonie pillée : carte de l'exploitation minière illégale dans le poumon du monde

Publié le 14 Décembre 2018

C'est la première fois que des données sur l'exploitation minière illégale provenant de six pays amazoniens ont été rassemblées sur une plate-forme, offrant une vision pan-amazonienne du problème.

Servindi, le 13 décembre 2018 - Une étude d'organisations en Bolivie, au Brésil, en Colombie, en Équateur, au Pérou et au Venezuela présente pour la première fois une carte des mines illégales dans les poumons du monde.

La carte confirme l'existence d'au moins 2312 points et 245 zones d'extraction non autorisée de minéraux tels que l'or, les diamants et le coltan dans la plus grande forêt tropicale de la planète.

De plus, 30 rivières ont été identifiées où l'activité minière a lieu et qui servent de voie d'entrée pour les machines et les intrants ou de sortie pour les minéraux.

La recherche a été menée par le Réseau d'Information Socio-Environnementale Amazonienne Géoréférencée (RAISG) et donne un aperçu de l'exploitation minière illégale sur l'ensemble du territoire amazonien, qui couvre sept millions de kilomètres carrés.

L'étude s'est basée sur des informations primaires, l'analyse d'images satellitaires et des informations publiées dans la presse des six pays jusqu'en 2017.

Cela a permis au RAISG de créer un outil en ligne pour naviguer dans tous les points et zones d'exploitation minière illégale, y compris les points, zones ou rivières liés à leur statut actuel (actif ou inactif) et leur impact sur les zones naturelles protégées et les territoires autochtones.

Malgré des décennies de lutte contre l'extractivisme non réglementé, l'exploitation minière illégale persiste et se développe comme un puissant vecteur de destruction et de contamination de l'Amazonie.

L'avidité pour les minéraux précieux ressemble à une épidémie comme on en trouve partout dans cette forêt tropicale.

Bien que l'exploitation minière ait toujours existé dans cette région, sa prolifération actuelle n'est comparable à aucun autre moment de l'histoire, prévient une note d'information du RAISG.

"L'incidence de l'exploitation minière illégale en Amazonie, en particulier dans les territoires indigènes et les aires naturelles protégées, a augmenté de façon exponentielle ces dernières années avec la hausse du prix de l'or ", déclare Beto Ricardo, secrétaire exécutif du RAISG.

"Cependant, c'est l'une des pressions les moins étudiées, c'est pourquoi le RAISG a décidé de l'inclure comme l'une des questions nécessitant un suivi permanent, notamment en raison de ses impacts socio-environnementaux ", explique Beto Ricardo.

La carte


Le matériel a été organisé et mis à disposition sur une plate-forme qui permet à l'utilisateur de filtrer l'information et de produire sa propre analyse.

Chaque point, en plus de la source, fournit des informations sur le minerai extrait, le mode d'exploitation, la date et la présence d'apports contaminants, notamment le mercure.

Il s'agit d'un véritable puzzle qui rassemble les études publiées, les informations des partenaires locaux, les communiqués de presse et l'analyse des images satellites.

Elle identifie également les zones protégées - telles que les unités de conservation et les terres indigènes - dans le territoire amazonien affecté par l'exploitation minière illégale.

Le RAISG souligne que pour faire face au problème, une action transfrontalière avec une coopération entre les pays amazoniens est nécessaire. Cette plate-forme d'exploitation minière illégale sera constamment en construction et mise à jour de données.

Accédez à la carte ici :

Les résultats


L'analyse des réseaux a permis d'identifier 649 aires naturelles protégées, 55 ont des points d'exploitation minière illégale actifs ou des bases dans leurs limites et 41 aires naturelles protégées qui subissent des dommages indirects, soit dans des zones tampons ou à leurs frontières.

D'autre part, sur les 6 207 territoires indigènes, 78 ont des activités minières dans la région. Sur ces 78, la majorité (64) se trouvent au Pérou.

En ce qui concerne les territoires indigènes où l'exploitation minière illégale se pratique sur leur territoire, le Brésil est en tête avec 18 cas sur les 37 identifiés.

En ce qui concerne les activités des bases dans ces territoires, la Colombie a la plus forte incidence (30) parmi les 65 cas enquêtés.

De tous les points cartographiés, la majorité se trouve au Venezuela, suivi du Brésil, de l'Équateur et du Pérou. En Colombie et en Bolivie, l'unité d'analyse correspond aux fleuves, c'est pourquoi les informations ne sont pas quantifiées en points.

Parmi les 245 zones d'extraction, trois se trouvent en Bolivie, 132 au Brésil, principalement dans la région du rio Tapajós, et 110 au Pérou, à Madre de Dios.

Ce département péruvien est considéré comme le secteur de l'Amazonie avec la plus grande dégradation causée par l'extraction de l'or. Pour la Guyane, la Guyane française et le Suriname, il n'a pas été possible de trouver des données cohérentes sur le sujet.

"Pour contrer l'activité minière illégale endémique, il est urgent de mettre en place un mécanisme d'articulation et d'implication entre le gouvernement national, les régions et les autres acteurs locaux ", déclare Pedro Tipula, spécialiste de l'Institut du Bien Commun (IBC).

"Cependant, il ne s'agit pas seulement de créer des lois, mais de savoir comment les appliquer sur le terrain sans budget, sans personnel formé et sans équipement ", poursuit Tipula.

"Il est urgent de surmonter ce manque de volonté politique ", déclare Pedro Tipula, qui coordonne le Système d'Information sur les Communautés Paysannes au Pérou (SICCAM) de l' IBC.

A propos du RAISG

Le Réseau Amazonien d'Information Socio-Environnementale Géoréférencée (RAISG), créé en 2007, est une initiative régionale amazonienne qui génère des informations géoréférencées et permet une vision intégrale de l'Amazonie et des menaces qui planent sur elle.

Il rassemble huit organisations de la société civile, représentant six pays amazoniens, qui mettent constamment à jour des bases de données sur les principales menaces qui pèsent sur la région amazonienne. Ses membres par pays sont :

Bolivie - Fondation des Amis de la Nature (FAN)
Colombie - Gaia Amazonas
Pérou - Institut du Bien Commun (IBC)
Équateur - Éco-science
Venezuela - Provita
Venezuela - Wataniba
Brésil - Imazon
Institut Socio-Environnemental du Brésil (ISA)

à propos d'InfoAmazonia

Fondé en 2012, le projet InfoAmazonia rassemble des données et des nouvelles sur la plus grande forêt tropicale continue de la planète. L'initiative est soutenue par un réseau d'organisations et de journalistes qui fournissent des mises à jour constantes des neuf pays de la région.

Les bases de données partagées par InfoAmazonía seront toujours disponibles en téléchargement et sont également fréquemment renouvelées.

L'intersection des nouvelles et des données vise à améliorer la perception des défis de la conservation des forêts.

En 2017, le projet a reçu des prix en ligne pour sa recherche "Exploring the Mining Arc", qui révèle l'avancée des conflits environnementaux en Amazonie vénézuélienne.

 

Plus d'informarions  www.infoamazonia.org

traduction carolita d'un article paru sur Servindi.org le 13 décembre 2018

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