Mexique- La dignité rebelle 2e partie

Publié le 19 Juillet 2018

Par : Valeria Arendar

Comme nous l'avons vu dans l'article précédent, dans la vie quotidienne des bases de soutien zapatistes, la lutte des femmes n'est pas inscrite en arrière-plan ; au contraire, elle est considérée comme un axe intégral de la lutte révolutionnaire.

Ce qui a été dit jusqu'à présent implique quatre points clés pour les femmes dans la lutte pour être reconnues comme sujets avec la capacité de logos (mot) dans les voies zapatistes :

- La Loi Révolutionnaire des Femmes, issue d'une large consultation au sein des communautés zapatistes et guidée par la Comandanta Ramona et la Major Ana María. Cette loi a été promulguée avant le soulèvement armé de 1994, dans lequel l'EZLN a incorporé les femmes sans distinction de race, de croyance, de couleur ou d'affiliation politique. Bien que, selon Sylvia Marcos, il ne s'agit pas d'une proposition strictement féministe, il s'agit d'une proposition politique. Ceci est dû à une question de nuance, principalement parce que les zapatistes ne se considéraient pas comme féministes lorsqu'elles ont promulgué la loi. Elle est plutôt née dans le cadre d'une lutte pour des conditions minimales de respect. Par exemple, elles ne demandent pas le droit à l'avortement ou beaucoup d'autres choses comme le droit de désirer. Elles ne font qu'appeler à ne pas se marier par la force.

 

Niñas zapatistas del Caracol La Realidad. Foto: Valeria Arendar

Niñas zapatistas del Caracol La Realidad. Foto: Valeria Arendar

- L'importance de la Commandante Ramona (1959 - 2006). Elle est la première femme commandante Tzotzil à apparaître publiquement lors des dialogues de paix et de réconciliation à San Cristobal de las Casas. En 1996, elle s'est rendue à Mexico en tant que représentante de l'EZLN pour participer à la construction du Congrès National Indigène (CNI).

- La délégation féminine de l'EZLN et du CNI lors de la Marche pour la Couleur de la Terre en 2001, qui a abouti à leur arrivée au Congrès de l'Union pour défendre les Accords de San Andrés et pour chercher à approuver et défendre la proposition de la COCOPA.

- La Rencontre des Femmes Zapatistes avec les Femmes du Monde a eu lieu en 2007 où les insurgées ont partagé leurs témoignages et expériences avant et pendant leur incorporation dans l'armée zapatiste. 

Mujeres zapatistas cocinando. Foto: Valeria Arendar

Mujeres zapatistas cocinando. Foto: Valeria Arendar

A ces événements, on pourrait ajouter un cinquième, tenu en mars 2018 : la Première Rencontre Internationale, Politique, Artistique, Sportive et Culturelle des Femmes en lutte.

Deux figures emblématiques du mouvement zapatiste, la Commandante Esther - représentante de la région Tzotz-choj - et la Commandante Ramona montrent que la lutte zapatiste n'a pas été limitée ou délimitée au sein de l'EZLN, mais que les femmes ont pu interroger le public national et présenter leurs revendications à d'autres groupes sociaux du pays. A cet égard, lors de la Marche pour la Couleur de la Terre, la Commandante Esther a joué le rôle principal en tant que représentante de l'EZLN dans les tribunes du Congrès de l'Union. Devant plusieurs médias ainsi que 500 députés et 128 sénateurs qui attendaient avec impatience la présence du sous-commandant Marcos le 28 mars 2001, la Commandante Esther a déclaré ce qui suit 

"Le chef militaire d'une armée rebelle n'est pas dans cette galerie. Il y a quelqu'un qui représente la partie civile de l'EZLN, la direction politique et organisationnelle d'un mouvement légitime, honnête et cohérent, et, en plus, légal par la grâce de la loi pour le dialogue, la conciliation et la paix digne au Chiapas. Nous montrons ainsi que nous n'avons aucun intérêt à provoquer du ressentiment ou de la rancoeur chez qui que ce soit. Alors me voilà, une femme indigène."

Mujeres zapatistas. Foto: Valeria Arendar

Mujeres zapatistas. Foto: Valeria Arendar

"Esther, Ramona, Ana María, sont des femmes indigènes et pauvres qui n'émergent pas spontanément de la scène politique. Elles émergent d'une structure sociale, de la répression à laquelle elles ont été soumises, de conditions d'injustice, de misère et d'absence de démocratie : ainsi que de l'isolement forcé de la vie publique dont souffre la population féminine mexicaine motivée par des questions politiques et, surtout, raciales. Pour Rovira, "Esther n'est que le nom d'une femme née dans une famille indigène comme toute autre avec beaucoup d'enfants dans une communauté isolée de la selva lacandona."

María de Jesús Patricio Martínez, Marichuy, a été l'une des femmes indigènes qui, avec la commandante Esther, a pris la parole en tant que déléguée du Congrès National Iindigène (CNI) au Congrès de l'Union. Originaire du sud de Jalisco, à Tuxpan, une communauté Nahua, Marichuy a été invitée en 1997 à rejoindre le CNI au Chiapas. Dans une interview avec Juan Villoro (2017) Marichuy commente que ce qui l'a le plus impressionné chez les insurgées, c'est leur patience, une des caractéristiques qui, selon Rovira (2001), est attribuée aux femmes indigènes. Marichuy dit : " J'ai senti que c'était mon espace, c'est ce que je cherchais."

Foto: Valeria Arendar

Foto: Valeria Arendar

Les changements et les grandes transformations au sein d'une société ne découlent pas du pouvoir. Leur émergence repose plutôt sur l'organisation populaire, dont le pouvoir se trouve en eux. Les mouvements d'en bas et à gauche représentent l'une des principales avenues de sorte que le pouvoir du dessus n'est jamais plus grand que le pouvoir du dessous.

Les photographies exposées ici font partie du projet La Dignidad Rebelde (Dignité rebelle), réalisé pendant plus de neuf mois par la photographe indépendante Valeria Arendar.

traduction carolita d'un article paru sur Marichuy y la otra politica le 16 juillet 2018

Les changements et les grandes transformations au sein d'une société ne découlent pas du pouvoir. Leur émergence repose plutôt sur l'organisation populaire, dont le pouvoir se trouve en eux. Les mouvements d'en bas et à gauche représentent l'une des principales avenues de sorte que le pouvoir du dessus n'est jamais plus grand que le pouvoir du dessous.

Les photographies exposées ici font partie du projet La Dignidad Rebelde (Dignité rebelle), réalisé pendant plus de neuf mois par la photographe indépendante Valeria Arendar.

traduction carolita d'un article paru sur le site Marichuy la otra politica le 16 juillet 2018

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