Les femmes indigènes qui peuvent révolutionner le marché du textile

Publié le 2 Juillet 2018

traduction d'un article de mars 2017

Le Mouvement National des Tisseuses Mayas demande au Guatemala la propriété intellectuelle collective de ses textiles.

Dans les chaussures, les sacs à main, les boucles d'oreilles, les colliers.... les tissus mayas ont de multiples utilisations, admirés pour leurs couleurs et leurs formes au fil des ans. Avec chaque tendance, la vente de ces produits augmente et ils deviennent la demande du moment. Mais ce n'est pas du tout agréable pour les tisseuses elles-mêmes, elle le perçoivent comme une violation de leur patrimoine culturel et historique.

Pourquoi ? 


L'art du tissage indigène exige de nombreuses semaines, voire des années d'élaboration au cours desquelles les valeurs de la philosophie de leur peuple sont façonnées, plus que l'effort. Un güipil, par exemple, est un vêtement fait à la main qui contient des symboles qui expriment une partie de l'histoire et de la pensée maya.

Beaucoup d'entre elles perçoivent leurs tissages dans d'autres accessoires comme une mutilation de leur patrimoine historique et une violation de leurs efforts et de leur tradition dans la poursuite du profit des grandes multinationales.

C'est pourquoi le Mouvement National des Tisseuses Mayas a uni ses forces pour faire en sorte que le Guatemala leur accorde légalement la paternité intellectuelle de leurs œuvres en tant que patrimoine collectif des peuples indigènes. Ainsi, les sociétés qui bénéficient de l'exportation de ces tissus devraient leur verser un pourcentage de leurs profits.

Plus qu'une lutte mercantile, une revendication des droits indigènes


Le projet de loi, connu sous le nom de Loi N.5247, a été présenté aux tribunaux guatémaltèques le 23 février 2017, après plus d'un an et demi de débats et de luttes intenses pour porter la revendication sur la scène constitutionnelle. L'initiative propose de modifier cinq articles de la Loi sur les Droits d'Auteur et les Droits Connexes, de la Loi sur la Propriété Industrielle, de la Loi sur la Protection et le Développement Artisanal et du Code Pénal.

A travers les réseaux sociaux de l'Association des Femmes pour le Développement de Sacatepéquez (AFEDES) et la plus haute représentante de cette demande, les tisseuses elles-mêmes ont manifesté. Dans l'une des réunions tenues pendant cette campagne, le docteur en anthropologie sociale et recherche, Aura Estela Cumes Simón, a dit que "la commercialisation de cet art textile place les tisseuses mayas face à une triple privation : raciste-coloniale, sexiste-patriarcale et de classe sociale-capitaliste" puisque les vêtements que les femmes fabriquent dans leurs villages ne sont pas appréciés et respectés comme lorsqu'ils sont utilisés dans d'autres environnements.

"De façon contradictoire, ceux qui privilégient ces structures colonialistes et patriarcales commercialisent le travail des peuples indigènes et des femmes ; dans leurs mains, le travail acquiert de la valeur en raison de leur position de privilège racial, sexuel et social....c'est-à-dire qu'une femme comme nous peut utiliser un güipil et cela n'a aucune valeur, au contraire, elle reçoit le racisme et le sexisme dans la rue, mais si une femme blanche l'utilise, la pièce acquiert immédiatement de la valeur et c'est là où le racisme est évident", ajoute-t-elle.

Plagiat ou inspiration ?


Ce n'est pas la première fois que la question de l'appropriation culturelle est soulevée. En mars dernier, la marque espagnole Intropia a été accusée de plagiat par la communauté indigène de San Juan Bautista Tlacoatzintepec (Mexique). Dans l'une de ses collections ont été échangés des vêtements avec des estampes de güipiles oaxaqueños.

Malgré les plaintes, la compagnie n'a pas communiqué avec les plaignantes et il n'y a pas eu de réponse du gouvernement. Cela a amené la communauté indigène à se demander quel rôle joue son gouvernement dans la défense de son patrimoine.

Les indigènes mixes et zapotèques (Mexique) ont dénoncé le plagiat de leurs éléments et motifs dans différentes marques étrangères. En juin 2015, les autorités de Santa María Tlahuitoltepec accusent la créatrice française Isabel Marant de plagier ses blouses mixes xaamixury, exposées dans la collection printemps-été "Etoile" de cette année-là, un différend qui mobilise des personnalités du pays d'Amérique centrale.

Pour l'instant, la lutte se poursuit, car les tisseuses mènent une intense campagne dans la rue et sur les réseaux sociaux pour faire connaître leur demande. Si leur demande est satisfaite, les grandes marques internationales pourraient assumer le paiement des droits d'auteur.

Glossaire :


Huipil : en Nahuatl : huipilli,'blouse ou robe ornée', aussi appelée hipil dans la péninsule du Yucatan, güipil au Guatemala, au Salvador et au Honduras, est une blouse ou robe ornée de motifs colorés qui sont généralement brodées, ce sont des vêtements typiques des femmes indigènes d'Amérique centrale.

traduction carolita d'un article paru dans Elorejiverde le 29/03/2017

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Savoirs des peuples 1ers, #Tissage, #Mayas, #Guatemala

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