Fédération de Russie : Le peuple Enets
Publié le 3 Mars 2018
Peuple de Russie qui vit sur les rives et près de l’embouchure de la rivière Yenisei en Sibérie.
C’est l’un des plus petits groupes des peuples « peu nombreux du nord, de Sibérie et de l’Extrême Orient Russe."
Ils sont environ 260 personnes.
On les désigne également sous les noms de Yenetses, Yénisei, Yéniseï-Samoyèdes.
Autodésignation : enet’enche = être humain, homme
Leur nom russe энцы au singulier Entsy
Leur nom russe энец au pluriel Enets
C’est un peuple semi-nomade dont la plupart vivent dans le village de Potapovo, dans le kraï de Krasnoïarsk en Sibérie occidentale près du cercle polaire arctique.
En Ukraine (territoire autonome de Taïmyr) il y avait 26 Enets en 2001.
Langue : onaj bazaan de la famille des langues samoyèdes elle –même de la famille des langues ouraliennes.
2 dialectes avec des vocabulaires différents :
Les Enets de la toundra parlent le dialecte bai ou « toundra »
Les 'Enets de la forêt parlent le dialecte madu ou « bois ».
Leur territoire est constitué d’une zone de pergélisol polaire, de toundra et de montagnes de toundra. La température maximale en été est de 13° et en hiver de -30°.
Lorsque les unités des langues ouraliennes se sont désintégrées, les ancêtres des Samoyèdes se sont séparés des tribus finno-ougriennes.
Au début ils vivaient dans l’ouest de l’Oural, ils étaient proches des peuples finno-ougriens mais ils doivent se déplacer par la suite vers l’est et le nord-est. Les Enets viennent du groupe nordique des Samoyèdes, ils commencèrent à bifurquer dans la deuxième moitié du 1er millénaire.
Ils se considèrent comme les habitants indigènes de la péninsule de Taïmyr.
Selon les légendes, les Nenets seraient arrivés plus tard de la péninsule de Yamal.
Ensuite les Enets et les Nganassanes se sont battus pour empêcher les Nenets de s’installer sur leur territoire.
En raison de leur zone d’habitat marginale, les russes sont restés longtemps ignorants de l’existence des Enets.
Ce petit groupe était connu sous le nom de Karastin Enets (Tribus Mugadi et Yuch) parlant 2 dialectes et vivant côte à côte avec les Nenets et les Nganassans dans le district d’Ust-Yenisei. Il y avait une influence de langues réciproque ainsi que des mariages mixtes qui ont joué un rôle important dans le processus linguistique de la péninsule de Taïmyr.
Les Enets autrefois se mariaient avec les Nganassans mais antérieurement avec les Nenets, les Dolgans et les Evenks.
La langue russe s’est répandue dans les années 1930.
Chasseurs/pêcheurs semi-nomades ils dépendaient des rythmes saisonniers de leur environnement.
Avant la collectivisation ils parcouraient la rive droite de la rivière Yenisey et les Nenets parcouraient la rive gauche. En été ils collectaient de la nourriture, du bois de chauffage, du matériau pour les maisons d’hiver et les vêtements.
Ils domestiquent le renne comme bête de trait.
Avec le processus de colonisation a lieu la tentative de christianisation des peuples autochtones qui restera superficielle.
Le chamanisme et l’animisme survivent jusqu’à nos jours.
Sous la domination soviétique, leur mode de vie change considérablement, ils n’ont plus droit au rennes et aux pâturages, des pensionnats sont créés pour leurs enfants, ce qui les éloigne de leurs familles, de leur langue et de leur culture. Ils doivent apprendre le russe.
Depuis les années 1960 un afflux d’immigrants a empiété sur leur territoire ainsi que la présence d’entreprises industrielles qui sont construites dont une grande compagnie gazière qui s’empare du pays des Enets, dévastent l’environnement, brûlent et polluent ce dernier et méprisent les autochtones.
Ils n’avaient pas de langage écrit, ils utilisaient dans leurs relations avec les autres groupes ou avec les russes, la langue écrite nenets.
En 1986, Terechtechenko compile et publie un alphabet cyrillique enets de 39 caractères et le dialecte bai est pris comme base pour la nouvelle langue littéraire enets.
Abrégé de la Chronologie des relations entre les russes et les « peuples peu nombreux du nord, de Sibérie et l’extrême Orient ».
http://www.gitpa.org/Autochtone%20GITPA%20300/gitpa300-16-4russieCHRONO.pdf
- Dès le XIe siècle Les habitants de Novgorod commencent à entrer en Sibérie.
- 1340/1396 : le premier peuple est évangélisé par St Stéphane de Perm, ce sont les Komis.
- Début du XVI e siècle : des réfugiés Tatars venant du Turkestan soumettent les tribus habitant l’est de l’Oural.
- 1593 : début de la déportation de criminels en Sibérie.
- Début du XVIIe siècle : le gouvernement encourage l’immigration des agriculteurs et leur fournit le transport gratuit et une exemption d’impôts durant les trois premières années de leur établissement.
- 1600 : Le prince Charkhovski avec une centaine de cosaques descend l’Ob, les barques sont assaillies par les Samoyèdes.
- 1626 : pénétration des russes sur le haut Iénisseï, fondation de Krasnoïark qui sera attaqué par les peuples autochtones a plusieurs reprises.
- 1631/1641 : les Bouriates opposent une résistance à la pénétration des russes mais les cosaques érigent des forts sur leur territoire
Tobolsk alt » par Inconnu — Illustration zum Artikel Освоение Сибири и Тихоокеанского побережья научными и коммерческими экспедициями von A. Ehlert. Alter der Darstellung geht aus der Bildunterzeile hervor.. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.
- 1648 : le tsar Alexis Mikhaïlovitch introduit la déportation en Sibérie des criminels dans la législation russe.
- 1649/1653 : le cosaque Kahabarov et une poignée de partisans descend vers le sud et réussit à s’établir dans le bas Amour. Il se heurte aux Mandchous (Toungouses) qui viennent de conquérir la Chine.
- 1708 : organisation d’un gouvernement de Sibérie avec Tobolsk pour capitale.
Berings ships wrecked » par Inconnu — 19th century illustration (according to Alamy pictures). Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.
- 1728 : Vitus Béring, officier de marine danois passé au service de la Russie descend la Léna jusqu’à Iakoutsk, gagne Okhotsk et atteint la côte sud-ouest du Kamchatka après avoir fait construire un navire il let le cap au nord et découvre le détroit qui portera son nom.
Russian Academy of Sciences SPB » par Alex Florstein. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.
1733/1743 : le tsar Pierre le grand, qui a fondé l’académie des sciences devenue musée d’ethnographie et d’anthropologie décide d’organiser une expédition nordique confié au capitaine Vitus Béring. Catherine II organise une expédition pour inspecter les villages sibériens
Elefant Rock near Cape Tihii. Sakhalin coast of Sea of Okhotsk » par Vihljun — Travail personnel. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.
- 1746 : expédition dans le Pacifique nord (77 navires) : pénétration russe qui s’ensuit d’un cortège de pillages, d’exterminations collectives qui vont presque aboutir au génocide des populations aléoutes.
- 1753 : abolition de la peine de mort par la tsarine Elizabeth et début de la déportation en Sibérie en remplacement.
- Début du XIX e siècle : une commission spéciale conduite par Speranski, mandataire du tsar Alexandre Ier est menée en Sibérie pour y recueillir des informations sur la situation des peuples afin d’améliorer leurs conditions de vie.
- 1801 : le tsar Alexandre I envoie le général Selifonov en Sibérie avec pour mission de découper celle-ci en régions administratives.
- 1822 : la commission Sparanski aboutit à l’adoption du « code de gestion des peuples indigènes ». Les peuples sont classés en 3 catégories : nomades, pastorales et sédentaires. L’empire russe leur octroie une législation spécifique respectant leurs habitudes. 2 régions administratives, la Sibérie occidentale dont le centre est Tobolsk et la Sibérie orientale dont le centre est Irkoutsk. Décret sur la gouvernance aborigène.
- 1850 /1890 : déportation massive de prisonniers de guerre (suédois et polonais)
- 1860 : la Chine reconnaît par le traité d’Aigun l’occupation par les russes de la région du fleuve Amour.
- 1867 : le gouvernement de Washington achète l’Alaska à la Russie pour la somme de 7.200 .000 dollars.
- 1875 : la Russie obtient des japonais en échange des îles Kouriles, les parties méridionales de l’île Sakhaline.
Transsibérien ». Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.
- 1887/1895 : alors que le nombre d’habitants en Sibérie était de 2.400.000 en 1851, au cours de cette période, la Sibérie reçoit 94.000 familles (467.000 personnes).
- 1899 : par un oukase, le tsar Nicolas II abolit la déportation en Sibérie.
- 1903 : début du transsibérien qui traverse tout le sud de la Sibérie.
Lenin-Trotsky 1920-05-20 Sverdlov Square (original) » par Goldshtein G. — This source can be found in various publications on the subject of early Soviet history, including Robert Service, 2000, Lenin: A Biography (London: Macmillan).. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons.
- 1917 : révolution bolchévique qui promet d’accorder à chaque peuple de l’ex empire tsariste le droit d’utiliser sa propre langue et d’avoir son autonomie politique.
- 1922 : constitution de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS).
- 1923 : le pouvoir fédéral reconnaît l’existence juridique de chaque peuple vivant dans un territoire donné et ayant les moyens de développer sa culture.
- 1924/1935 : Le « Comité du Nord », encouragé par Lénine, est créé par deux ethnologues de renom, W. Bogoras et L. Sternberg. Il défend les intérêts des peuples de la zone polaire et rappelle constamment que les décisions volontaristes n’étaient pas admissibles dans le Nord, insistant sur la fragilité des « écosystèmes », et la vulnérabilité des cultures traditionnelles des chasseurs, pécheurs et éleveurs de rennes. Des régions entières furent interdites aux éléments non autochtones ; des mesures particulières furent adoptées pour protéger et préserver les cultures locales. Toutefois – afin d’éviter de constituer, comme au Etats-Unis, des « réserves »,– des médecins, des ingénieurs, des professeurs, formés au contact des autochtones furent envoyés pour favoriser, en douceur, l’accès de ces citoyens soviétiques à la modernité, au progrès technique, à l’éducation, aux soins, au bien-être promis par la révolution.
- 1930 : début de la collectivisation des terres dont de très larges parties des territoires traditionnellement utilisée par les peuples du nord. Premier manuel de langue pour la langue khanty d’Obdorsk.
- 1932 : des familles Khanty basées le long du Kazym refusent d’envoyer leurs enfants à l’école. Les enfants étaient séparés de leurs parents par le régime soviétique et placés en internat pour être alphabétisés. Cela est la cause d’une fracture générationnelle chez les peuples de Sibérie. Premier manuel de langue pour la langue mansi.
- 1935 : le gouvernement de Staline dissout le Comité du nord et déclare l’ethnologie « science bourgeoise ».
- 1950 : fermeture du village d’Akanopka et de Rehinniki au Kamchatka, transfert des Koriak qui y vivaient vers un nouveau site. Ils seront déplacée à nouveau dans les années 70.
- Fin des années 50 : le gouvernement entreprend de restaurer l’économie et la culture des peuples du nord : construction de logements, écoles, hôpitaux, création de bourgs par destruction des anciens petits villages, augmentation des salaires des chasseurs et éleveurs de rennes.
- 1968 : loi sur la terre qui attribue toutes les terres disponibles à des fermiers ou à des entreprises.
- 1989 : naissance de l’association Spasenie-Iougra créée par les Khanty et les Mansi pour la sauvegarde de leurs peuples ainsi que des Nenets et des Selkoupes.
- 1990 : création de la RAIPON (association russe des peuples du nord), une ONG créée à l’issue du 1er congrès des représentants de ces minorités ayant eu lieu au Kremlin en présence de Gorbatchev. Les peuples représentés ont exigé :
- La confirmation légale de l’utilisation traditionnelle de la terre
- Une évaluation des projets industriels par les organisations locales
- Le rétablissement des conseils de village et de leurs droits exclusifs de contrôle de la terre et de l’usage de l’eau
- La ratification immédiate de la convention 169 de l’OIT
- 1992 :loi de dissolution des kolkhozes et des sovkhozes : pour les peuples cette dissolution est synonyme de pertes d’emplois et aggrave leur pauvreté.
- 1995 : adoption de la nouvelle constitution russe qui selon l’article 60, la fédération russe garantit les droits des peuples autochtones numériquement peu nombreux conformément aux principes et aux normes universellement admises au droit internationale et aux traités internationaux de la fédération russe.
- 1995 : signature de la convention sur la diversité écologique. Loi fédérale sur les territoires spécialement protégés. Loi fédérale sur l’évaluation des impacts environnementaux. **
- 1999 : loi fédérale sur les garanties en matière de droits pour les peuples autochtones dans la fédération de Russie. Elle concerne l’attribution de quotas dans l’enseignement technique et supérieur, l’accès facilité aux hôpitaux et centres de soins, l’augmentation des allocations familiales plus avantageuses que celles versées aux familles russes. Elle proclame le droit des autochtones à un usage libre de leurs territoires traditionnels dans la conduite de leurs activités économiques traditionnelles.
- 2000 : loi fédérale sur les principes d’organisation des communautés pour les peuples numériquement peu nombreux de Sibérie, des territoires arctiques et de l’extrême orient.
- 2001 : loi-cadre visant à octroyer un statut légal permanent aux « territoires traditionnels habités et exploités par des communautés autochtones », droit d’installation sur des territoires nommés « territoires d’usage national traditionnel TTP ». si les territoires restent propriété de l’état, ils sont normalement sensés être contrôlés par les peuples et « protégés « des industries d’extraction minière ou pétrolière.
- 2001 révisions du code de la terre dans un esprit de libéralisation et de privatisation. Ce code ouvre la voix aux achats et reventes de terres et ignore l’exploitation et la gestion traditionnelle pratiquées par les peuples. Il interdit de fait les titres de propriété tels que les TPP annulant ainsi les garanties légales contenues dans la loi-cadre à savoir que les peuples ont le droit d’utiliser gratuitement toute terre qui leur permet de maintenir leur mode de vie traditionnel.
- 2005/2008 : le gouvernement Poutine supprime 6 des 8 arrondissements autonomes qui sont absorbés par de plus grandes entités territoriales à la suite de référendums « populaires démocratiques ». c’est le cas de l’arrondissement des Komi-Permiak, des Evenk, des Koriak , de Taïmyr (Dolgano-Nenets) et de 2 arrondissements Bouriates.
Notes
Au sujet de la loi-cadre de 2001 visant à octroyer un statut aux territoires traditionnels pouvant être contrôlés par les peuples, le problème est que les textes d’application n’ont jamais été adoptés et la loi reste lettre morte. De nombreuses plaintes sont déposées à Moscou pour toutes les régions de la Sibérie.
Au sujet de l’exploitation sauvage des territoires
Les droits des peuples sont bafoués continuellement par l’exploitation sauvage qui a commencé pendant la période soviétique, des ressources de la région détruisant l’environnement naturel et les moyens de subsistance des peuples. Les dégâts :
- Pollution industrielle de la toundra
- Présence des puits de pétrole et de gaz, oléoducs et gazoducs qui coupent les itinéraires de transhumance des rennes.
- Abattage des arbres de la taïga transformant les territoires en des étendues dénudées
- Les eaux sont polluées et menacent la pêche, que ce soit l’eau des rivières comme l’eau de mer.
Un texte intéressant dont je me suis inspirée en partie et qui en dit bien plus que cet article succinct :
source 1 et wikipedia et
Jean-Baptiste Tilliard Femme kamtchadale avec ses enfans dans son Habit ordinaire " par J. B. Tilliard / J. B. le Prince del. - Schmidt Kunstauktionen. Sous licence Domaine public via Wikimedia ...