“Jérusalem, c’est le cœur et l’âme des Palestiniens chrétiens ou musulmans”
Publié le 12 Janvier 2018
Par Alain Bachellier, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=18964001
Salah Hamouri est incarcéré depuis maintenant 140 jours dans une prison Israélienne sans connaitre ce que la justice militaire lui reproche. De Jérusalem-Est, Denise et Hassan Hamouri, ont accepté de répondre aux questions du Travailleur Catalan sur leur fils emprisonné et de s’exprimer sur la situation à Jérusalem.
Le TC. En sait-on un peu plus sur ce que lui reproche le pouvoir Israélien ?
Salah est depuis début septembre en détention administrative pour une durée de 6 mois renouvelable sur ordre militaire. Cela veut dire qu’il n’ y a pas de charges contre lui mais un dossier confidentiel auquel l’ avocat même n’ a pas accès. Lors des audiences, nous même (ses parents), ses avocats, Salah ainsi que le représentant du consulat n’avons pas pu rester dans la salle du tribunal, les délibérations se font en présence du juge, du procureur et des agents du shinbeth (services secrets). En général les raisons invoquées pour la détention administrative relèvent de la sécurité, Salah serait dangereux pour la sécurité de l’état israélien. Salah devrait être libéré le 28 février 2018 mais avec la détention administrative, rien n’est sûr, il peut très bien recevoir un ordre de renouvellement de cette peine au moment de sa sortie.
LE TC. Avez-vous pu le voir durant toutes ces semaines et comment va-t-il ?
J’ai rendu visite à Salah 3 fois depuis sa détention, les visites ont lieu une fois par mois en coordination avec le haut comité de la croix rouge .La dernière visite date du 17 décembre, la visite de janvier prévue le 1er janvier a été annulée à cause de son transfert. Les visites familiales sont toujours éprouvantes pour les familles, longs trajets, attente, humiliation souvent de la part des gardes, pour finalement voir le prisonnier 45 minutes derrière une vitre, nous communiquons à l’aide d’un interphone mais ces 45 minutes sont précieuses et passent toujours trop vite. Il allait bien, bon moral malgré des conditions pas toujours faciles, Salah n’a pas pour habitude de se plaindre. Une avocate l’a vu mardi 2 janvier après son transfert et nous a rassurés, il va bien même si la prison de Megiddo où il est maintenant est un centre de haute sécurité. La prochaine visite sera en février mais nous n’avons pas encore la date.
LE TC. A la veille de la nouvelle année il vient d’être transféré de la prison du Néguev (Qeziot) vers celle de Meggido située au sud-est d’Haïfa un centre réputé pour sa dureté. Connaissez-vous les raisons qui ont motivé ce transfert ?
Son transfert est une mesure punitive, la raison invoquée est une interview qu’ il a faite avec le journal l’ humanité par l’ intermédiaire de son avocat. Mais il faut bien savoir que les transferts arbitraires de prison à prison dans des conditions éprouvantes, longs trajets durant lesquels les prisonniers sont menottés aux mains et aux pieds, les privations de visite familiales sont le lot des prisonniers et de leurs familles, ce qui se passe avec Salah n’ a rien d’ exceptionnel et chaque prisonnier a déjà vécu de telles expériences.
LE TC. Comment ressentez vous la solidarité qui s’exprime autour de lui ?
En France, la solidarité a fait connaitre son histoire et la cause des prisonniers palestiniens, nous remercions bien sûr tous les soutiens de Salah. Cette solidarité a interpellé les dirigeants français qui ont demandé sa libération mais sans trop insister quand même. Car ici le vrai problème c’est bien nos dirigeants qui ne défendent pas un citoyen français, franco palestinien comme ils défendraient des citoyens français dans d’autres parties du monde. Les gouvernements changent mais j’ai les mêmes sentiments que durant l’incarcération de Salah de 2005 à 2011. On nous parle , on nous écrit des lettres mais pas d’ action forte et véritable de la France alors que la détention administrative est illégale devant le droit international. Emmanuel Macron aurait parait- il demandé la libération de Salah à Netanyahu le 10 décembre la réponse des israéliens fut le transfert arbitraire de Salah ! La seule action véritable est la protection consulaire ce qui est un droit et non pas un privilège, il a eu 3 visites consulaires et un représentant du consulat de France est présent aux audiences.
Le TC. La question Palestinienne est revenue comme un boomerang avec l’annonce de Trump sur l’installation de l’ambassade américaine à Jérusalem. Comment jugez-vous la situation qui s’est créée ?
L’ annonce de Trump a eu l’ effet de remettre la question palestinienne au devant de la politique internationale, Jérusalem c’est le cœur et l’âme des Palestiniens chrétiens ou musulmans, il suffit de se rappeler des événements autour de la mosquée Al Alqsa cet été quand le peuple a eu raison des portiques que les israéliens avaient voulu installer Cette annonce a crée des tensions , on sent que tout peut arriver dans un futur proche. Les Palestiniens souhaiteraient sans doute que l’Europe en général et les pays comme la France se démarquent des Etats-Unis et d’Israël concernant la question palestinienne et Jérusalem. Ils n’attendent pas simplement un vote qui dans le fond ne changera pas grand- chose mais des mesures concrètes, des sanctions contre un pays qui ne respecte pas le droit international. L’Europe ne doit pas rester muette et passive quand Trump veut couper l’aide financière à l’UNRWA par exemple, les mots et les déclarations ne suffisent pas, les gens ici attendent plus.
Jérusalem est une question centrale, nous pensons que la question des prisonniers politiques est aussi un dossier central, il y a environ 7000 prisonniers détenus dans des prisons en Israël, des députés, des enfants, certains y sont depuis très longtemps, avant les accords d’ Oslo, on ne peut accepter des négociations sans la libération des prisonniers qui se sont sacrifiés et continuent à sacrifier leur vie pour la Palestine.
Propos recueillis par Philippe Galano pour le Travailleur Catalan, source fb