Paraguay : Les gardiens des semences
Publié le 27 Novembre 2017
Les gardiens des semences
Les paysannes et les paysans conservent les semences dans des pots, et ainsi, l'avenir de l'approvisionnement alimentaire de l'humanité.
A Repatriación, une ville du centre du Paraguay, une maison en adobe exhibe sur ses murs extérieurs un art contestataire et dans son intérieur elle conserve les graines des récoltes. C'est l'une des plus de 1 000 banques dans le monde qui n'accordent pas de prêts à terme fixe et ne protègent pas la richesse générée par l'évasion fiscale. Ce sont des dépôts de graines, là où commence la chaîne alimentaire humaine.
Le travail des femmes et des hommes de cette maison, appelée Semilla Róga, s'oppose à un système de brevets puissant dans lequel les semences ont des propriétaires, et pour y accéder, il faut payer. Aujourd'hui, un oligopole d'entreprises - Syngenta, Bayer, BASF, Dow, Monsanto et DuPont - contrôle 60% du marché mondial. Celui qui contrôle les semences contrôle la nourriture.
Ce régime équivaut à une perte de diversité et de liberté agricole. Les travailleurs agricoles sont obligés de s'endetter pour acheter les semences dont ils ont besoin pour produire. A la marche paysanne de 2017, les paysans se sont ajoutés aux producteurs piégés dans ce cycle oppressif de dépendance. Dans des cas extrêmes comme en Inde, l'endettement pousse des milliers d'agriculteurs à se suicider.
Mais dans des endroits comme Repatriación, les hommes et les femmes mettent sur des étagères en bois, dans des bouteilles en plastique, des graines d'arachide, des haricots, de la laitue, du chou. Il existe aussi des variétés de maïs: tupi, moroti, mbya, pororó, pichica. Ce faisant, ils s'assurent que ces semences indigènes durent, et avec elles, la culture gastronomique, les médicaments, les rituels et un avenir possible pour des communautés entières.
A la suite ne pas manquez le magnifique reportage photo dont j'ai traduit chaque texte ci-dessous :
sur la carte département de Caaguazu
1.A 200 km de la ville d'Asunción se trouve la municipalité de Repatriación, dans le département de Caaguazú. Il y a Semilla Róga, ou maison des semences, un projet collectif qui vise à promouvoir la diversité de l'agriculture paysanne familiale à travers la conservation des semences indigènes. Le projet est soutenu par l'Organisation des femmes paysannes et autochtones (Conamuri).
2.Entre les parcelles de légumes, légumes verts, fruits et plantes médicinales se trouve la banque de semences Repatriación. Abri d'un projet productif et social de la Conamuri qui vise à conserver les espèces indigènes et les semences indigènes.
3. Marina Diaz Melgarejo est l'une des gardiennes de la banque de semences Repatriation. Avec sa famille, elle gère et conserve les dizaines de graines indigènes et créoles de Semilla Róga.
4. Marina prépare aussi des composées thérapeutiques maison avec des racines. Elle s'assure que la toux et les douleurs de poitrine ou de gorge puissent être combattues avec ses connaissances ancestrales et ses remèdes.
5. Marina fait partie de Conamuri, l'une des organisations paysannes les plus importantes du Paraguay, qui regroupe des paysannes et des femmes autochtones. De telles organisations apportent un soutien juridique, politique et social à des dizaines de familles paysannes au Paraguay.
6. Repatrición est une communauté qui fonde une grande partie de son économie sur l'agriculture paysanne familiale. La Semence Róga leur permet de cultiver de nombreuses variétés de légumes et de fruits. Produits et aliments qui font partie de leur vie quotidienne
7. Maria Benjamin Leiva a 87 ans et est l'une des plus anciennes habitantes de Repatriación. Avec une histoire de dépossession sur les épaules, elle résiste toujours avec sa famille pour le droit à la terre et à la vie.
8. Eloísa González est une habitante de Repatrición. Ses habitants viennent de familles qui sont rentrées d'Argentine, du Brésil et d'autres pays à la recherche de leur propre terre dans les années 60. Une grande partie de l'économie locale repose sur l'agriculture familiale.
9. A Repatriación il y a encore des parcelles consacrées à l'agriculture familiale. On y cultive des légumes, des légumes verts et des fruits. Cependant, beaucoup d'entre eux ont été dépouillés pendant la dictature de Stronista et sont aujourd'hui des vestiges d'un mode de vie qui refuse de disparaître.
10.Alicia Amarilla Leiva est une habitante de Repatriación , communicatrice et
qui fait partie de Conamuri. Elle a commencé à militer dans les mouvements paysans à un très jeune âge, après que sa famille ait subi des persécutions et des expulsions par l'Etat. Alicia est l'une des plus importantes promoteurs de Semilla Róga.
11. Paulina Leiva est la tante d'Alicia, militante historique de Conamuri et a quitté Repatriación à la recherche d'une meilleure condition économique. Elle vit à Sao Paulo, au Brésil. Elle s'y consacre à la confection de vêtements avec une famille brésilienne, avec ses deux fils et sa belle-fille. Paulina est l'une des nombreuses femmes rapatriées qui ont émigré à la recherche de nouvelles opportunités.
12. Emilio Arce Leiva est promoteur de santé et travailleur de la terre. En 2008, il a cédé une partie de ses terres pour la construction de la banque de semences. Avec sa famille, il a la responsabilité de prendre soin et de préserver les semences de dizaines d'espèces utilisées par la communauté et les familles paysannes de Repatriación.
13. Don Emilio se lève chaque matin pour administrer, soigner et conserver les semences de Semilla Rogá. L'espace ne prétend pas monopoliser la culture à partir de ses produits, mais plutôt devenir une alternative importante dans une zone où la monoculture menace la disparition d'un modèle de vie durable.
14. Semilla Rogá n'accorde pas de prêts à terme fixe ou à vue avec des intérêts surfacturés. La banque est un centre d'échanges culturels qui favorise le retour comme récolté au profit des espèces de ce terroir.
15. Maïs tupi, moroti, mbya, pororó, pichica; arachides, haricots, laitue, chou, , à la fois pour la consommation et engrais vert (légumineuses), remplissent les bouteilles recyclées qui habitent les étagères en bois.
16. Entre août et septembre 2017, des milliers de paysans ont laissé leurs récoltes pour aller jusqu' à Asunción pour revendiquer les mauvaises politiques agraires du gouvernement et, pendant plus d'un mois, ils ont exigé une solution à leurs revendications.
17. Pendant leur séjour en ville, les paysans se sont installés sur la Plaza de Armas, un lieu historique de manifestations sociales et politiques dans le pays. Ils s' y organisèrent, résistants au froid et à l'attente, tandis que leurs revendications marquaient l'agenda politique du pays.
18. Les paysans ont réclamé l'annulation des dettes dues à l'Etat, l'assistance technique et l'application d'une loi d'urgence paysanne pour aider des milliers de familles affamées et la perte de leurs récoltes dans les zones les plus vulnérables du pays.
19. Depuis leur arrivée dans la capitale, les paysans producteurs se sont organisés et ont mené différentes actions politiques dans différentes parties de la ville. Beaucoup d'entre eux sont retournés dans leurs communautés après plusieurs jours, mais ils sont revenus pour rejoindre leurs camarades dans la lutte.
20. Symbole de la lutte et de la résistance de la communauté paysanne, le bâton a été interdit par la Police Nationale lors des marches dans la ville. En outre, la loi de Marchodromo a été appliquée, qui au Paraguay n'autorise les mobilisations sociales qu' à partir de 19h00 et dans des zones spécifiques de la ville.
21. La Marche paysanne a marqué l'agenda social du pays en août et par le biais des médias a généré une division avec une grande partie de la société. A Asunción, de nombreux citoyens ont protesté contre la fermeture des rues par les ouvriers agricoles, créant une atmosphère très tendue dans la ville.
22. Lors des festivités patriotiques du mois d'août, les paysans producteurs ont décidé de tenir un défilé parallèle à celui organisé par le gouvernement. Cet événement a rassemblé des milliers de paysans qui, de cette manière symbolique, espéraient protester contre l'indifférence de l'Etat et d'une ville qui leur a tourné le dos.
23. La Police Nationale a interdit le défilé symbolique des paysans qui commençait sur l'esplanade de la Cathédrale d'Asunción. Face à ce refus, les paysans décidèrent de danser au rythme d'un orchestre devant l'Eglise, tandis que là, les autorités, les religieux et une partie de la société civile offraient une messe.
24. Après un mois de résistance à Asunción, les paysans sont retournés dans leurs communautés. Cependant, la lutte se poursuit toujours dans chacune d'elles, pour défendre un mode de vie qui refuse de disparaître et dont dépendent des milliers de familles.
Avec le reportage de Pedro Lezcano et texte de Fernando Ferreira
traduction carolita d'un article paru dans kurtural.com le 22 novembre 2017 :
Las guardianas de las semillas
En Repatriación, un pueblo en el centro de Paraguay, una casa de adobe exhibe en sus paredes externas arte contestatario y en su interior guarda el germen de cultivos. Es uno de los más de mil ...