Il y a 14 ans naissaient les 5 caracoles zapatistes, la naissance d’un autre monde possible

Publié le 22 Août 2017

Après une longue saison de silence, les 8, 9 et 10 de ce mois d'août 2013, une fête est réalisée à Aguascalientes agonisant et naît le Caracole d'Oventik pour célébrer la création formelle de l'autonomie. Au Chiapas, les aguascalientes allaient se changer en Caracoles, et les autorités en Assemblées de Bon Gouvernement.

Le Sup Comandant Marcos, a fait connaître quelques mois avant une série de communiqués intitulés : "la treizième stèle" en sept parties : 1/Un Caracol 2/une mort 3/un nom; l'histoire de / un support du ciel, 4/un plan 5/une histoire 6/Un bon gouvernement 7/un post-scriptum.

Dans ces textes le Sup explique que "les Caracoles seront comme des portes pour entrer dans les communautés et pour que les communautés sortent; comme des fenêtres pour nous voir à l'intérieur et pour que nous voyions dehors; comme des cornes pour envoyer loin notre parole et pour écouter celle de celui qui est loin. Mais, surtout, pour nous rappeler que nous devons veiller et être au courant de l'intégralité des mondes qui peuplent le monde".

Les noms ont été choisis par des comités de chaque zone pendant "des heures de propositions, des discussions sur des traductions, des rires, des colères et des votes", a commenté le Sup Marcos dans la troisième partie de la Treizième stèle :

Le Caracole I : Mère des Caracoles de nos rêvesLa Realidad, couvre la zone tojolabal, tzeltal, et mam, de la zone frontalière et de la forêt (depuis Marquès de Comillas, la région de Montes Azules, et toutes les municipalités frontalières avec le Guatemala jusqu'à Tapachula). Son assemblée de bon gouvernement s'appelle "vers l'espoir".

 

Le Caracole II : résistance et rébellion pour l'humanité, Oventik, couvre la zone Altos de Chiapas, des tzotziles et tseltales (il comprend la partie des territoires où se trouvent les municipalités gouvernementales de Los Altos de Chiapas et s'étend jusqu'à Chiapa de Corzo, Tuxtla Gutiérrez, Berriozábal Ocozocuautla et Cintalapa"), son Assemblée De Bon Gouvernement s'appelle "le Coeur Central des zapatistes devant le monde", il se compose de 7 Municipalités Autonomes Rebelles Zapatistes (MAREZ).

 

Le Caracole III : résistance vers une nouvelle aube, La Garrucha, couvre la zone tzeltal de la zone selva (il comprend la partie des territoires où se trouve la municipalité gouvernementale d'Ocosingo) comme le Caracole I il est composé de 4 Municipalités Autonomes Rebelles Zapatistes (MAREZ).

 

Le Caracole IV : tourbillon de nos paroles, Morelia, couvre la zone tzeltal, tzotzil et tojolabal, (il comprend la partie des territoires où se trouvent les municipalités gouvernementales d'Ocosingo, Altamirano, Chanal, Oxchuc, Huixtán, Chilón, Teopisca, Amatenango del Valle) son assemblée de bon gouvernement s'appelle “Coeur de l'Arc-en-ciel de l'Espoir”. Il a 3 MAREZ. Quelques jours avant sa naissance, le 3 août 2013, 30 éléments de la police étatique harcelèrent les zapatistes qui travaillaient dans sa reconstruction.

 

Le Caracole V : le caracole qui parle pour tous, Roberto Barrios, couvre la zone nord du Chiapas, (il comprend la partie des territoires où se trouvent les municipalités gouvernementales du nord du Chiapas, de Palenque à Amatán) où sont les choles, zoques et tzeltales, son assemblée de bon gouvernement s'appelle "la Nouvelle Graine qui va Produire”, il est composé de 9 MAREZ.

Encore une fois, les rebelles zapatistes, face à la trahison du gouvernement Mexicain de ne pas avoir accompli les accords de San Andrés, et après une longue réflexion autocritique, réussissent à redéfinir leur projet rebelle dans les faits et aussi dans les concepts, en maintenant en même temps leurs objectifs fondamentaux d'un monde avec une démocratie, une liberté et une justice pour tous.

Le 19 juillet 2013, dans un communiqué signé par le Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène - Commandement Général de l'Armée zapatiste de Libération Nationale et par les Municipalités Autonomes Rebelles Zapatistes du Chiapas, les zapatistes annoncent que "L'Ezln a décidé de suspendre totalement tout contact avec le gouvernement fédéral Mexicain et les partis politiques, et les peuples zapatistes ont ratifié de faire de la résistance leur forme principale de lutte". Ce communiqué annonçait que "les peuples autochtones zapatistes et rebelles ont préparé une série de changements qui se réfèrent à leur fonctionnement interne et à leur relation avec la société civile nationale et internationale".

Ce communiqué permet de se rendre compte de la force des zapatistes, à la fois reprendre les armes 9 ans après face au gouvernement refusant de reconnaître les droits des peuples autochtones, et sa non-exécution de ses engagements, ils se sont donc mis à construire l'autonomie sur les "territoires rebelles"

Selon Pablo Gonzalez Casanova dans son essai d'interprétation sur les caracoles : "La nouvelle approche des caracoles redéfinit non seulement avec clarté des concepts (...) mais elle articule et propose un projet alternatif d'organisation (en même temps intellectuel et social) qui, en remontant au local et au particulier, passe par le national et arrive à l'universel. Dans le départ et dans l'arrivée il laisse à ses membres toute la responsabilité de comment faire le parcours : du grand jusqu'au petit ou du petit jusqu'au grand, ou des deux manières, le travail étant divisé avec une route pour les uns et une route pour les autre ou les autres pour les autres".

Il est nécessaire de comprendre que la naissance des caracoles reprend ce qui s'était déjà exprimé depuis les débuts du mouvement zapatiste. Mais il était temps d'éclaircir et de redéfinir ce qui a été oublié parfois ou parfois non accordé par la priorité. Ainsi Don Andrés Aubry a divisé en deux parties son article, "ce qui ne change pas" et "les nouveautés" :

"Ce qui ne change pas. Les caracoles ne suppriment pas les municipalités autonomes; au contraire, ils les renforcent en donnant de nouvelles occasions à l'autonomie des communautés et des municipalités, qui ont donné ainsi encore une avancée dans l'accomplissement des Accords de San Andrés. Chez les caracoles ils se trouvent représentés, non plus substitués. Depuis leurs sièges, qu'ils soient anciens ou nouveaux, les conseils municipaux autonomes (non créés verticalement mais construits depuis en bas, grâce à des processus variables) continuent d'autogouverner leurs municipalités sur leurs territoires".

Selon l'anthropologue, plus que tout, les caracoles reprennent les accords de San Andrés, "rien n'apparaît changé, il y a seulement une radicalisation légitime". Ainsi les accords disaient "Nous proposons la reconnaissance du droit des communautés de s'associer librement dans des municipalités avec une population majoritairement indigène, ainsi que le droit de quelques municipalités de s'associer pour coordonner leurs actions en tant que peuples autochtones", ce qui est  maintenant officialisé par les caracoles et les assemblées de bon Gouvernement dans la coordination. Le travail est vaste face à toutes les zones autonomes des peuples, ainsi que les écoles alternatives, la santé, la production agro écologique, leur commercialisation alternative, et toutes les autres initiatives créées depuis les premières heures du mouvement zapatiste.

Dans sa seconde partie, Aubry précise ce qui a changé, et il relève plus particulièrement l'effort des Compañeros et compañer@s pour éclairer la feuille de route et la fonction de chacun. Maintenant le Commandement Général de l'EZLN ne pourra pas interférer dans les autonomies, et vice versa, les Assemblées  ne pourront pas recourir aux forces armées.

"Les nouveautés. Cette maturation dans l'accomplissement des Accords de San Andrés a conseillé de définir avec plus de rigueur les compétences des différentes instances. La police municipale des autonomies; la politique du Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène, le Commandement Général de l'Armée zapatiste de Libération Nationale (les commandants et les commandantes), et le militaire au compte du sous-commandant insurgé. Bref, l'EZLN essaie de remplir le principe démocratique de la séparation des pleins pouvoirs.

Les commandants prennent l'engagement de ne pas interférer sur la propre responsabilité des autonomies. Et il est stipulé que, si "ils décident de participer aux gouvernements autonomes, ils doivent définitivement renoncer à leur charge organisatrice dans l'ezln".

Réciproquement, les conseils municipaux autonomes  ne pourront pas recourir aux forces armées pour les travaux de gouvernement parce que le commandement des miliciens et des insurgés est de la compétence exclusive du commandement général de l'ezln. Mais, évidemment, cela continue d'être son travail et son devoir de "protéger les communautés des agressions du mauvais gouvernement et des paramilitaires", puisque pour cela "nous sommes l’Armée zapatiste"."

 Aujourd'hui, à 13 ans de marche, les caracoles se sont parfaitement intégrés aux besoins des peuples. Le fait de commander en obéissant a été facilité et les autorités comme les Assemblées de Bon Gouvernement sont reconnues et sollicitées, tant pour les affaires intérieures que pour les demandes de la société civile ou solidaires.

Les zapatistes se sont enorgueillis de ces avancées, et la petite école zapatiste à ses deux niveaux a pu démontrer au monde entier ce que signifie le fait de commander en obéissant, ce qu'est l'autonomie zapatiste qui est construite pas à pas à travers les années.

Le dernier communiqué comptant les avancées des autonomies "Et dans les communautés Zapatistes ?" a été publié le 23 mars 2016, un résumé des rapports des compañer@s responsables chez les peuples, responsables de commissions (par exemple de santé, éducation, jeunes, etc.), les autorités autonomes et les responsables organisateurs.

Dans ce communiqué signé par le Sub Comandante Moisés et le Sub Comandante Galeano, le commandement, ils réitèrent que toute la présentation donnée des avancées autonomes ne vient pas du commandement zapatiste, ou bien qu'il n'est pas sorti des têtes de quelques-uns, mais il vient des partages entre les peuples mêmes, ainsi 14 ans après, on met en évidence que le commandement n'interfère pas dans les processus civils.

L'EZLN, continue en s'ouvrant au monde et à la société civile grâce à quelques initiatives, en invitant la communauté artistique et scientifique dans le festival compARTE et conCIENCIA , le peuple en soutenant la lutte des enseignants, les migrants en envoyant des tonnes de café solidaire dans le monde, en construisant et en réfléchissant comment construire quelques fissures dans ces murs que les mêmes construisent là-haut, le peuple du Mexique et du Monde, en soutenant la candidature de la porte-parole du Conseil municipal Indigène de Gouvernement, mais les zapatistes n'oublient pas de construire cet autre monde qui est déjà devenu possible.

Depuis la création des caracoles et des assemblées de bon gouvernement, les zapatistes ont avancé dans tous les sujets de leur autonomie, en dehors de tout soutien gouvernemental, en luttant et en résistant chaque jour pour travailler d'une manière collective à la construction d'un monde où s'intègrent beaucoup d'autres mondes.

Traduction carolita d'un article paru sur le site Espoir Chiapas le 10 août 2017 : 

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Mexique, #Le chiapas en lutte, #Peuples originaires, #EZLN

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