“Être l'antithèse de la thèse du patriarcat”,c'est ainsi que se libère la vie

Publié le 30 Mars 2017

Alejandro Azadî / Colombia Informa

Au Kurdistan la lutte pour la libération des femmes est l'axe de la lutte pour la libération sociale et nationale kurde. Depuis toujours les actes d'héroïsme, la douleur pour les femmes tombées et la lutte pour la libération se sont combinées d'une unique façon.

Les luttes des femmes kurdes acquièrent une double valeur : comme une essence et comme exemple, dans une zone historiquement patriarcale qui les a relégué à la maison et la famille. Une légende ancienne raconte la naissance de la révolution dans le Newroz (nouvelle année) et du feu comme l'origine des filles du soleil.

La légende de Kawa

La nuit était obscure, les premières étoiles se mélangeaient avec les montagnes. Kawa avait pris une décision et impatient il attendait l'aube. Le roi Zohak lui avait ordonné qu'il lui fournisse deux jeunes pour leur extraire les cervelles et se nourrir. Depuis plus de mille ans le monarque dépouillait les familles kurdes de sa lignée pour nourrir les deux protubérances (similaires à des serpents) qui apparaissaient de ses épaules et ainsi survivre éternellement.

Le soleil a commencé à se lever, le forgeron Kawa a pris le maillet qui gisait sur la banquette en bois et s'est dirigé au niveau de l'empire assyrien. Le roi Zohak avait réalisé les rituels sacrés avant de dévorer les deux dernières filles de Kawa. Mais Kawa n'a pas remis au roi les cervelles de ses filles mais celles de deux agneaux. Après les avoir ingéré Zohak a été défait dans les flammes et la rumeur de sa mort a été répandue par les montagnes, agilement des milliers de jeunes survivants du martyre se sont présentés à la tour où Zohak reposait et la rébellion a éclaté. On dit que cela s'est produit le 21 mars de l'année 612 av. JC et depuis ce temps-là les kurdes renouvellent leur espoir sous le Newroz, en allumant le feu de la vie le jour de la liberté.

La libération des filles du soleil et du feu

“Notre lutte est une lutte contre le colonialisme ethnique et sexiste” soutient Pikara Nursel Kilic. “Quand ils voudront se souvenir du discours sur ce peuple qu'ils ont écouté pensez aux filles du soleil et du feu, et ils ne nous oublieront pas” explique Melike Yasar.

"A notre époque, où tout corrode le pouvoir et sont réduits au silence tous les soutiens, les femmes kurdes ont construit l'armée de femmes de ce qu'elles veulent : la libération. L'émancipation d'une femme passe par la libération de toutes les femmes”, affirme Fidan Dogan.

C'était le travail des femmes pendant les années qui ont soutenu l'identité du peuple kurde, les mères ont éduqué leurs filles et fils dans la langue maternelle. Jin est femme en kurde, et le kurmanji est la langue kurde, un mot qui est en même temps une langue et une femme; c'est-à-dire, une langue maternelle.

Layla Zana a été la première femme à parler kurde au parlement turc, en essayant d'aborder le problème de la fraternité entre les descendants des Mèdes et les descendants des ottomans, mais cela lui a valu 10 ans de prison. Où a-t-on vu qu'une mère est condamnée pour apprendre la langue à ses enfants ?

Agir – Feu

En 1990 Zeki, une étudiante de médecine de l'Université de Tigris (Amed), a su qu'elle était libre au Kurdistan occupé quand à la veille du Newroz elle a placé sur son lit un litre d'essence, trois allumettes et son propre coeur. Elle a brûlé pour la liberté de son peuple. Chaque 21 mars, l'ethnie kurde avive les flammes de sa lutte et de sa rébellion avec des foyers immenses. Zekiye Alkan est fille du feu.

Que le flambeau du Newroz brille encore plus fort avec la flamme de mon corps”. Après avoir touché le sol trois allumettes ont saisi le printemps et cette année le flambeau de la libération n'a brûlé comme jamais auparavant, même les pleurs d'une vieille kurde n'ont séché avec la chaleur du feu. L'oppression, le témoignage de chaque moment, a été lu dans le coeur du Kurdistan. La révolution s'est multipliée, et depuis lors l'esprit d'Alkan avive le feu, comme le fait le vent de la libération féminine.

Dans ses yeux émergeait encore la répression envers les femmes à Nusaybin, les violations massives de la part de l'armée turque, les bombardements chimiques au village de Halabja,  l'arrogance têtue des incroyants en la vie.

Dayiken Ashîtî – Mères de la paix

Après être sorti du ventre les mères nous couvrent de leur soin. L'essence ontologique de tout être humain est de protéger l'autre. Dans les unités féminines de défense prévaut cette essence ancestrale (et un droit collectif) de pouvoir s'auto défendre devant une agression externe. Les roses disposent aussi d'une nature similaire, leurs épines nous produisent de petites piqûres nous faisant remarquer qu'elles sont là, qu'elles sont en vie et qu'elles aiment être en vie. Quand l'État turc a commencé le génocide cultuel envers les minorités ethniques, ont également commencé les disparitions de filles et de fils du peuple kurde.

En Argentine, la dernière dictature militaire a soustrait de ses familles 30.000 personnes. Depuis ce temps-là, sur la place de mai leurs mères réclament à l'État l'apparition de leurs filles et de leurs fils, pour cela elles réalisent la ronde de la résistance tous les jeudis et toute leurs vies. De même, les samedis au Kurdistan occupé, les mères demandent à l'État turc la paix et la restitution de leurs fils et filles. Le peuple les appelle, affectueusement, Mères des samedis.

La Rosa Luxembourg kurde 

En 1978 Sakine, avec un groupe de compagnes, a fondé le Parti des Travailleurs du Kurdistan - PKK-. C'était une femme dans un parti d'hommes.

Une guerre entre Turcs et kurdes a suivi le coup d'État manqué , puis a suivi la prison, dès que Sakine a compris la grandeur de la signification d'être femme, d'être kurde, d'être révolutionnaire et les heures de torture n'ont pas brisé les fondations libertaires de son esprit. Quand la condamnation a pris fin, face au comité central, Sakine a arboré les fondements de sa critique du machisme et envers la mentalité patriarcale du système. Au milieu des années 90 les hautes montagnes kurdes ont abrité le premier Congrès de Femmes du Kurdistan. Depuis ce temps-là les femmes ont leur structure partisane autonome : le Parti de la Libération des Femmes du Kurdistan - PAJK - les structures coprésidentielles, la science des femmes (Jineologi) et les auto-défenses féminines. Un nouveau paradigme a émergé tandis que l'autre succombait.

Le 9 janvier 2013 un mercenaire turc a coupé la tige de sa vie. À côté d'elle encore deux roses sont tombées. Depuis ce temps-là des prés, des montagnes et des villes ont vu fleurir de nouvelles roses : Sara, Fidan et leyla elles s'appellent toutes. Au bord du lit de la rivière, en buvant l'élixir de la vie avec le fusil à la main.

Azadî – Liberté

Peut-être que la communauté et l'autodétermination du peuple kurde proviennent de la libération des femmes. Peut-être d'une économie coopérative, un système éducatif (et idéologique) centré dans les principes de la Jineologi, l'écologie, l'auto-défense populaire, nous dirigent sur le chemin naturel affaibli par la mentalité patriarcale.

Au Rojava, au nord de la Syrie, des milliers de va-nu-pieds du capitalisme construisent, sous de nouveaux paradigmes démocratiques, une confédération remarquable interethnique de nations. Les kurdes ont seulement élevé une ville pour des femmes, elles ont élevé leur voix en diffusant leurs arguments et leurs principes dans le parti; elles ont armé un autre parti, elles ont épousseté du temps les structures matriarcales, l'auto conscience les a mené à interdire au sexe opposé leur propre corps, elles se sont armées après d'unités d'auto-défense, elles ont livré des batailles en conquérant des destinées et une nouvelle conception de la vie a émergé vers les précipices de la montagne Zagros.

Jin, Jiyan, Azadî. Femme vie et liberté, chantent les partisanes dans la nuit étoilée, de petits pas sur la montagne, le chemin du combat.

Traduction carolita d'un article paru dans Desinformémonos le 27 mars 2017 : 

merci Serge-Hobo

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Commenter cet article
H
avé les sous titres<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=1LnQvV9S0JQ<br /> <br /> re bisouxx
C
Je l'ai ajoutée à l'article. Re bisouxx
H
https://www.youtube.com/watch?v=RoKoj8bFg2E<br /> <br /> Bisoux
C
Je n'y avais même pas pensé en traduisant l'article : hé, ça coule de source et de plus, j'aime bien les clins d'oeil entre femmes en lutte. Bisouxx Serge-Hobo et merci