Atahualpa Yupanqui, la guitare a tout dit

Publié le 11 Octobre 2016

« Je suis un chanteur d’arts oubliés, qui parcourt le monde pour que personne n’oublie ce qui est inoubliable : la poésie et la musique traditionnelle d’Argentine. Un désir profond existe en moi : être un jour la trace d’une ombre, sans aucune image et sans histoire. Etre seulement l’écho d’un chant, à peine un accord qui rappelle à ses frères la liberté de l’esprit ».

Atahualpa Yupanqui, mai 1989 (dans "La Palabra Sagrada", créée à l'occasion du bicentenaire de la Révolution Française).

Par Inconnu — Sintonía magazine, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=40454694

***

Un des chanteurs folkloriques, si ce n'est le chanteur folklorique le plus célèbre d'Argentine, la voix des gens simples, des paysans, des indiens.

Avec sa seule guitare et sa voix rauque et profonde, ses textes simples et essentiels dotés d'une poésie de la terre, il allait de par le monde portant une parole autre.

C'est pour tout ceci que nous l'aimons et qu'il continuera à disséminer sa parole pendant des siècles encore car cette parole est vraie, pure et en elle chacun s'y reconnaît.

C'était un artiste complet : compositeur, guitariste, chanteur et écrivain.

De son véritable nom Héctor Roberto Chavero Aramburu il est né le 31 janvier 1908 à Pergamino dans la province de Buenos Aires en Argentine.

Son père est d'origine quechua, l'un des plus grands peuples d'Amérique latine et des Andes qui descend des Incas et sa mère est d'origine basque.

Il grandit à El Campo de la Cruz au nord de Buenos Aires puis le reste de son enfance à Fortin Roca, un village de la Pampa où son père est chef de gare.

Il apprend à jouer de la guitare et du violon à l'âge de 6 ans .Il prendra des cours de guitare également avec Bautista Almirón.

Il a adopté à l'adolescence le pseudo d'Atahualpa Yupanqui qu'il gardera toute sa carrière. Atahualpa Yupanqui est le dernier empereur inca.

En 1921 quand son père décède il décide de devenir artiste et fait différents métiers pour gagner sa vie. Il voyage dans son pays et découvre la réalité misérable dans laquelle vivent les gens de la campagne , indiens et métis et il décide devenir leur porte-parole. Il se dévouera à ceux qui n'ont rien comme l'arriero le conducteur de troupeaux ,"Les peines sont à nous, les vaches sont aux autres".

En 1928, il est journaliste à Buenos Aires et rencontre l'anthropologue Alfred Métraux avec lequel il explore la Bolivie.

Sa connaissance des êtres, des paysages, des contrées ancestrales et de la culture indienne imprègnent et nourrissent son œuvre. Il sera ami avec les poètes Pablo Neruda (1947) et Federico Garcia Lorca

"Avec la force qui me vient de loin, de la vie libre conseillée par nos ancêtres basques, du silence de forêt et pierre que les aïeux indiens ont déposé dans cette étrange caisse de résonance que la nature m'a donné pour corps et esprit. L'ancêtre basque et l'ancêtre indien ont conspiré avec le paisano de cette terre où je suis né."

El criollo vasco de la tierra argentina de S.M Recarte.

Quand je lis ceci, je ne peux m’empêcher de penser à La ballade des deux aïeux du poète cubain Nicolas Guillen qui dis ceci :

« Ombres que je suis seul à voir,
Mes deux aïeux me font escorte.

Une lance à la pointe d’os,
Un tambour de cuir et de bois :
Mon aïeul noir.
Un gorgerin sur un cou large,
Une grise armure guerrière :
Mon aïeul blanc. »

Nicolas Guillen, balade des deux aïeux

Peint par Oswaldo Guayasamin

Son œuvre fait entièrement partie du paysage musical et folklorique de l'Argentine.

Ses compositions sont d'une prose remarquable, avec un lyrisme profond et critique envers les conditions sociales de son pays.

Il compose des milongas, des chacareras, des videlas, des zambas, des bagualas, des canciones.

La milonga est une genre musical de la pampa argentine (et en Uruguay également) qui est caractéristique de la culture Gaucho. C’est un mélange de candombre afro-argentin et d’habanera cubaine.

La vidala est une composition poétique accompagnée de la guitare et du chant (Tucumán, Santiago del Estero, Jujuy).

La chacarera (en quechua chakarera) est une musique traditionnelle qui se danse en couple avec l’accompagnement de la guitare , du charango et du bombo legüero ( provinces de Catamarca, Salta, Tucumán, Santiago del Estero et Jujuy).

La zamba est une danse de couple, de séduction avec des paroles poétiques, musique traditionnelle d’Argentine qui dérive de la zamacueca péruvienne.

La baguala est un genre musical populaire d’Argentine et précisément des vallées Calchaquies, terres ancestrales du peuple Diaguita (dont Mercedes Sosa est une descendante).

image

Son épouse, Paula Antonieta Pepin Fitzpatrick, pianiste et compositrice née à St Pierre et Miquelon compose parfois pour lui la musique de ses chansons comme pour Pablo del cerro.

Il s'est produit dans le monde entier et surtout en Europe.

Accompagnant le parti communiste argentin qu'il quitte en 1952, il subira la censure et des emprisonnements sous la présidence de perón.

Contraint à l'exil en Europe en 1959, il y fera une brillante carrière. Il y fréquentera Aragon, Elsa Triolet, Paul Eluard, Rafael Alberti.

Il fait tout d’abord une tournée dans les pays d’Europe de l’est (Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie) tout en attendant son visa pour la France.

En 1950, il chante avec Edith Piaf qu’il a rencontrée chez Paul Eluard et signe juste après avec la maison de disques Chant du monde et il sortira son premier album sur le vieux continent, Minero soy.

Cette même année il reçoit le prix de l'académie Charles Cros pour son disque Minero soy.

En 1952 il est de retour en Argentine et se produit sans relâche dans toutes les villes de son pays et ne trouve réellement le succès qu'en 1960 grâce à des interprètes comme Mercedes Sosa et Jorge Cafrune.

C'est cela qui le rendra célèbre auprès d'une nouvelle génération d'artistes. Apparemment sa carrière s'épanouira en Europe de son vivant.

En 1968 il est à Paris où certains le nomment le Brassens indiens et on lui réclame des chansons contestataires pour nourrir et soutenir les luttes sociales.

Mais lui, ce qu'il chante c'est "le paysage, le cheval et la pampa et la montagne sans m'engager dans les chemins que capitalisent ensuite ceux qui disent réformer le monde et qui vivent sur le dos des naïfs" comme il l'écrit à sa femme en avril 1968.

Je crois bien que ce que j'avais ressenti d'anarchiste chez Atahualpa, du moins du communisme libertaire comme sont mes idées, est décrit dans cette phrase-là.

Atahualpa est un auteur prolifique.

En effet il a composé plus de 1500 chansons, c'est dire si l'on a de quoi découvrir avec lui comme textes pour décrire notre quotidien ou accompagner nos luttes.

Ses chansons les plus célèbres seraient : Caminito del indio, Nostalgia tucumara, los ejes de mi carreta, zamba des adios, viento viento, trabajo quiero trabajo, el arriero.

El payador perseguido

C'est son œuvre la plus complète puisqu'elle est un recueil de chansons qui sera retranscrit plus tard en un roman.

En 1965 paraît un livre sous forme d'essai, El canto del viento.

En 1986, il est fait chevalier des arts et lettres.

Il meurt à Nîmes le 23 mai 1992 à 84 ans.

Un livre pour mieux le connaître :

Don Atahualpa, la voix argentine de tout un continent de Manuel Urtziberea.

Ses livres

1941 : Cerro bayo

1947 ; Aires indios

1948 : Tierra que anda

1954 : Guitarra

1965 : El canto del viento

1965 : El paysador perseguido

1971 : El sacrificio de Tupac Amaru

1977 : Del algarrabo al cerezo

1989 : La parole sacrée/La palabra sagrada

1992 : La capataza

2014 : Horizons de pierre ( de Cerro bayo)

Zafra

Ses films

1956 : Horizontes de piedra (inspiré de son livre Cerro bayo)

1959 : Zafra

1965 : Cosquin, amor y floklora

1965 : Viaje de una noche de verano

1972 : Argentinissima

1973 : Argentinissima 2

1981 : Mire que es lindo mi pais

1983 : Un rio que no cesa de cantar

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article