Le sijomal

Publié le 1 Juillet 2016

Ta yuhil octubre, shachel a’tel sijomal; ta sbahbeyal ya yich’ pasel selab sok sk’altayel. Ta shahchel noviembre ay te stsajel sok sk’utel awal ixim yu’un ya yich’ ts’unel. Ay to mach’a ya sts’un ta shahchibal yuhil diciembre. Ta enero sok febrero yuhil yak’entayel. Ta yutil k’altik ay bayel ta chahp itaj ya yich’ ts’unel sok te stukel nax ya xch’iy mohel.

Ainsi, commence le récit d'un trensipal * de Bachajón quand il parlait de la deuxième saison des semailles que nous appelons en langue tseltal sijomal. Ces semailles commencent en octobre avec la préparation du terrain. Pendant le mois de novembre les graines sont sélectionnées et à la fin de ce mois et jusqu'à début décembre les premières semailles sont faites. Au cours des mois de janvier et de février se fait le nettoyage, et c'est le moment pour soigner la croissance d'autres plantes à l'intérieur de la milpa qui serviront d'aliment.

Le sijomal est le maïs qui est semé fin novembre et début décembre pour profiter de la saison des pluies de l'hiver qui ont l'habitude de tomber dans toutes les parties de la forêt du Chiapas. Comme chaque année, les paysans de la zone préparent leurs terrains en attendant la première averse. Le trensipal commentait que cette année, l'époque des semailles a beaucoup changée et la pluie est arrivée tard et les semailles de l'année ou el habil k’altik comme nous les appelons en tseltal, a donné peu de maïs et dans certaines parties les champs de maïs ont séché. Maintenant, pour le sijomal, ils en ont semé plusieurs jusqu'à décembre faute de pluie. Les changements drastiques du climat ont affecté en grande partie la production du maïs. Mais les prières ou les rituels sont faits pour demander la santé et la bonne production des plantes, comme de la milpa , comme celui des aliments, de la même façon que le faisaient nos ancêtres.

Les rituels sont les formes dans lesquelles les communautés maintiennent le lien avec la Mère Terre pour la production de leurs aliments et pour l'harmonisation de la vie communautaire. En opposition à ceci, sont les projets qui envahissent chaque jour les communautés et apportent avec eux la destruction de la nature et de la vie communautaire comme dans le cas des projets d'élevage dans la forêt et les plantations de palmier africain, le paiement pour des services environnementaux dont le bénéfice n'est autre que de profiter des ressources naturelles et de la dévastation de la forêt et d'accuser les paysans, pour par la suite donner accès à ce que la réforme énergétique a offert au Chiapas, des puits pétroliers. Une partie de cette réalité est clairement mentionnée dans le communiqué de l'EZNL où il est fait référence à ce grave problème qui sort par la même voix des indigènes partisans.

Ainsi, les rituels sont les formes qui unissent encore et convoquent les peuples autochtones pour maintenir la relation communautaire. Loin de penser que la spiritualité est un facteur d'assoupissement, comme dans quelques cas avec les religions, la spiritualité garde en soi la connaissance, l'harmonie et l'esprit communal. De cette façon, la spiritualité est la forme avec laquelle les peuples ont systématisé la connaissance et ont créé des structures d'organisation interne en formant les calpules et dans ceux-ci une organisation de droits traditionnels comme sont celle des capitaines, des mardomas, et des trensipaletik (ci-mentionnés, les personnes reconnues dans ces communautés pour la grande connaissance qu'ils ont et leur autorité morale). De plus, actuellement les diacres ou j’abatineletik sont les serviteurs de la parole depuis une spiritualité connue localement comme Maya catholique.

D'autre part, nous avons la propagation de sectes religieuses et de nouvelles lignes du catholicisme qui incitent les peuples à se détacher de leur identité et de leurs terres encourageant sa dépendance et les poussant à être les consommateurs principaux des projets d'assistance et des projets financés par l'État. Comme exemples nous avons les projets de production du palmier africain dans la forêt et ailleurs. La même situation s'exprime dans le nouveau modèle éducatif, dont il est plus qu'évident de la discrimination qu'il génère avec l'usage des uniformes verts dans des communautés indigènes et grâce aux nouveaux programmes comme celui d'école à temps complet, qui jour après jour détache les enfants pas seulement de la terre mais aussi de leurs familles. Nous avons aussi le programme alimentaire : les mêmes enfants ne savent pas les poudres qu'ils consomment et ils auront moins de champs et de semailles.

Avec ce qui précède, la vaste étendue de terre ejidale de San Sebastián et de San Jerónimo à Bachajón, depuis des années, également les terres communes de la Maison du Peuple de Venustiano Carranza, ont été dans le viseur des entrepreneurs et des gouvernements pour s'emparer d'elles. Ces cas, ainsi que les dépossessions des terres de paysans dans le Yucatán et à Quintana Roo, entre autres, montrent comment l'existence des peuples autochtones a été une gêne pour le système qui cherche par tous les moyens de les exiler de leurs terres. L'assassinat de Berta Cáceres est un exemple de la situation d'élimination des peuples qui résistent contre les grands projets de mort. Des assassinats constants de femmes, l'homophobie, la séquestration et la disparition de personnes est et fait partie de ce modèle qui génère la terreur.

Malgré la situation de guerre entreprise par l'État envers la population indigène et la plus pauvre, sur les champs on sème encore le maïs, la courge, le piment fort et quelques types de légumes et de fruits qui sont gardés en vie par les communautés, mais aussi dans les grandes villes. Bien que le même État ait essayé de légaliser les semailles de maïs transgénique, plusieurs ne sont pas restés silencieux et ont levé la voix pour l'arrêter. Comme contre l'article 230 de la loi de télécommunications qui interdisait l'usage des langues indigènes dans les moyens nationaux de communication, et qui grâce à l'action entreprise par Mardonio Carballo a été arrêtée. Nous espérons que la même chose se produira avec les nombreuses luttes des peuples indigènes qui cherchent à défendre leurs territoires contre les grands projets éoliens, miniers, les barrages, les autoroutes, les gazoducs, et contre tous les autres. Malgré cela nous suivons et nous continuerons de résister pour maintenir la connexion de notre nombril avec la mère terre.

Le trensipal a terminé la conversation en ajoutant que leurs plantes de maïs commencent à fleurir déjà, et que partout il y a des épis de maïs. Mais quand leurs plantes auront des épis de maïs il fera sa cérémonie, comme ses parents lui ont appris, pour remercier la mère terre parce que bientôt il aura du maïs pour nourrir sa famille. Il est également connu que dans le domaine commencent à pousser les fleurs de quelques arbres et plantes qui serviront à la fête de la semaine sainte et puis recommence le nouvel habil k’altik , l'année agricole qui commence en mai avec la fête de la Santa Cruz. Pendant ce temps les arbres du colorín*, les pêches, les mangues, les avocats, les jocotes*, le cuchunuk et quelques autres commencent à nous offrir déjà snichimal ko’tantik.

Na’ba sbah te tseltal winik[1]

Ma’yuk mach’a halbilbil yu’un, te tseltal winik bayel binti ya sna’

Te tseltal winik xchamet yo’tan ya yil te ek’etik sok spisil bintik ya xlaj sohl ta ch’ulchan,

sok nix te bintik nak’ajtik ta yut mamal nahbil…

K’alal ya sjak’ yo’tan, te tseltal ya xk’opoj ta stukel nax sok te yo’tane.

Le tseltal sait beaucoup de choses sans que personne ne les lui ait apprises.
Plein d'admiration il contemple les étoiles et tout ce qui se passe dans le ciel,
En plus de ce qui est caché à l'intérieur d'une mare …
Quand le tseltal soupire, il parle seul avec son
coeur.

[1] Avelino Guzmán. Poeta, traductor y escritor tseltal de Bachajón, Chiapas, 1975.

* trensipal = mayordomo

* colorín = erythrina coralloides

* jocotes = spondias purpurea

traduction carolita d'un article paru dans Chiapas paralelo le 30 juin 2016 :

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