Aiguat de 1940 dans le Roussillon et la Catalogne – Aiguat de référence
Publié le 4 Juin 2016
« Quan arriba l'aiguat, hi ha pas res de salvat (quand arrive l'aiguat, rien n'est sauvé)
Aiguat (se dit aïgouate) : terme catalan pour évoquer de fortes précipitations d’eau et l’inondation qui en est la conséquence.
Ce mot est à présent utilisé par les météorologues français pour désigner les évènements exceptionnels liés aux chutes d’eau.
Dans les Pyrénées françaises, on connaît 3 épisodes d’aiguat :
- La crue du 16 octobre 1763
- L’aiguat de la Sant-Bartomeu le 24 août 1842
- L'aiguat de 1940 qui représente l’aiguat de référence
Celui-ci dure quatre jours : du 16 au 20 octobre 1940.
Plusieurs adjectifs sont utilisés pour le qualifier : fantastique, diluvien, catastrophique.
Il fut meurtrier et dévastateur, c’est le moins que l’on puisse dire.
Quatre jours de déluge, d’inondations, d’éboulements, d’effondrements.
L’aiguat de 1940 marque le record européen de précipitations dans le hameau de la Llau dans la région du Haut Vallespir où ont été enregistrées 840 mm de pluie en 24 heures.
Maurice Pardé dans son article cité en lien plus bas nous dit qu’à cette époque (guerre de 39/45), la censure interdisait les données précises relatives aux faits météorologiques et ce seront les rapports faits par une soixantaine d’instituteurs et d’institutrices qui permettront de notifier la plus grande partie des faits.
Les intempéries durent du 16 octobre au soir au 19 dans l’après-midi voire du 20 au matin selon les secteurs.
Le vent souffle d’est à sud-est pendant toute la période, le « marin » ou « marinade » souffle sur la zone ravagée et ce avec grande violence.
Les précipitations
Le bassin occidental de l’Orb reçoit 150 à 200 mm en quelques heures le 17.
Sur l’Aude, les précipitations sont de 150/200 mm en quelques heures le 17.
La partie occidentale du bassin de l’Agly (Corbières, montagnes du Fenouillet, de Sournia) reçoit en 4 jours : 400 à 600 mm d’eau. Le 17 le maxima atteint 200/300 mm en quelques heures.
Dans la vallée du Vallespir, ce fut bien pire mais aucun pluviomètre ne fonctionnait parfaitement dans les parties les plus touchées, aussi ne possède-t-on que des estimations.
Celles-ci parlent de 600 à 800 mm le 17 et de 1200 à 1500 mm voire 1700 mm en 4 jours au sud du Tech vers St Laurent-de-Cerdans.
A l’extrême ouest, vers le col d’Ares, le pic de Costabonne, sur le Tech supérieur et avant Prats-de-Mollo : 800 à 1000 mm le 17, peut-être plus. 1500 à 1800 mm du 16 au 20.
Sur le flanc sud du Canigou (d’où dévalent la Courmelade, le Riu-Ferrer et la Parsigoule) : 700 à 1200 mm en 24 heures, 1200 à 2000 mm en 4 jours.
Selon Pardé, la fonte des neiges ne joue aucun rôle dans ce cataclysme sur le Tech comme en Catalogne.
Eboulements
Celui de la Baillanouse à 3 km de Prats barre la vallée par un mur haut d’une cinquantaine de mètres sur les deux bords, d’une quarantaine de mètres au milieu et d’une longueur de 200 mètres ainsi que la même épaisseur.
La crue a charrié des tonnes de matériaux, certains transportés jusqu’à la mer, d’autres déposés dans les lits ordinaires ou sur les champs d’inondation.
La Têt a charrié durant la crue de 5 à 6 millions de tonnes de boues, a étalé 3 à 4 millions de tonnes de sable sur la plaine de son cours inférieur.
Le Tech et ses affluents ont mis en mouvement sur quelques centaines de mètres une quarantaine de millions de tonnes de boues, sables, graviers et blocs.
Pour comparaison : le Rhône en une année apporte à la mer environ 30 millions de tonnes de boues et de sables.
Les tourbillonnantes et mugissantes coulées liquides et solides ont multiplié les ruines.
Côté français, la région d’Amélie-les-bains-Palalda, Arles-sur-Tech est la plus touchée.
200 immeubles, une soixantaine dans l’agglomération de Vernet-les-Bains, une dizaine à Prats.
La gare d’Amélie les bains est rasée, deux usines électriques sur la Courmelade, deux autres sur le Tech sont pulvérisées.
On compte pour le bilan en vies humaines une cinquantaine de morts en France dont la moitié à Amélie les bains.
Inondations dans le Roussillon
Reportage sonore montrant les importants dégâts occasionnés par les inondations dans la région du Languedoc Roussillon. Nombreux plans de rivière en crue, de ponts, immeubles, voies ferrées d...
à Manlleu comarque d'Osona
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Côté catalan, l’aiguat est encore plus dévastateur, la mortalité effrayante : 320 morts
En Catalogne, les vallées sont plus densément peuplées, également plus industrialisées. Les massacres sont encore plus terribles, tout y passe : maisons, usines, voies de communications…
D’un côté comme de l’autre, la flot emporte les cultures, les prairies, les arbres fruitiers sur des milliers d’hectares et les remplacent par des accumulations de cailloux , de blocs, de sable grossier. Les terres mettront des années à reconstituer un sol à nouveau cultivable.
Maurice Pardé, un hydrologue est mandaté malgré la guerre pour faire des relevés et des enquêtes sur le terrain. C’est à lui que l’on doit ces données et cette trace importante pour l’histoire de l’humanité.
Selon lui, cette crue de référence rivalise avec les cataclysmes les plus effrayants de l’Ardèche, des Hauts Gardons, de la Cèze supérieure.
Sources : Maurice Pardé, averses et pluies fantastiques dans le Roussillon en octobre 1940
wikipédia, histoires du roussilon eklablog
Sur la photo ci-dessous, on voit le lit du Tech qui semble très large pour une rivière de montagne.
Dans les esprits, l'aigouat de 1940 est toujours présent. Une dame âgée rencontrée à Amélie nous a expliqué que le lit du Tech avait été élargi suite à la catastrophe.