Les Mères de la Place de Mai
Publié le 26 Mars 2016
Les/dis/pa/rus
Que/sont-ils/de/ve/nus
Los desa/pare/cidos
Que digan/dónde/están
Par Carlos Terribili — Museum of the Argentine Bicentennial, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=23087587
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Los desaparecidos
En Argentine durant la guerre sale, répression d’état et l’opération condor, une campagne d’assassinats et de lutte anti-guérilla menée par les services secrets, des opposants politiques, leurs amis et leurs familles furent enlevés par les forces paramilitaires ou des militaires en mission spéciale. Ils étaient enfermés, torturés dans des centres de détention clandestins, tués, parfois drogués et jetés vivants depuis des avions, les vols de la mort, dans l’océan Atlantique ou le Rio de la Plata. Ce qui ne laissait aucune trace de leur exécution.
Le chiffre de 30.000 personnes disparues pendant la junte militaire qui a duré entre 1976 et 1983 est avancé.
En rapport avec ces disparitions, plus de 500 bébés d’opposantes détenues, retirés à leurs mères ont été placés dans des familles de militaires ou de policiers.
L’absence de corps permettant à l’état de nier la possibilité qu’ils aient été tués ou même enlevés par des forces de sécurité rend plus dure l’application de la demande de justice de la part des familles de disparus.
Los desaparecidos, une expression moderne, vient des Mères de la Place de Mai qui réclament sans cesse des nouvelles de leurs enfants.
Je te réclame/
Chaque jeudi je frappe de ton nom les bottes du dictateur/
Je mets sur ma tête un petit foulard blanc comme toi/
Le dictateur ne voit pas mes larmes, jamais il ne verra mes
Larmes de toi/ je le frappe avec ma fureur de toi
Par Banfield — Travail personnel, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3646111
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Asociación de la Plaza de Mayo est une association de mères argentines dont les enfants ont disparu assassinés à cette période.
La Place de Mai (Plaza de Mayo) est située juste en face de la Casa Rosada du gouvernement à Buenos Aires, c’est là qu’elles font des rondes hebdomadaires depuis le 30 avril 1977, tous les jeudis après-midi en tournant pendant une demi heure dans le sens contraire des aiguilles d’une montre comme pour remonter le temps.
En Argentine, cette association est la seule en défense des droits de la personne à ne compter que des femmes.
Elles se battent depuis plus de 30 ans pour retrouver les enfants enlevés.
Les foulards blancs
Elles portent en signe de protestation des foulards blancs qui représentent à l’origine les langes en tissus de leurs bébés afin de commémorer la disparition de ceux-ci.
Dès le 30avril 1977, les mères veulent être reçues par videla et les militaires les en empêchent en leur ordonnant de circuler en raison de l’état de siège. Alors elles vont tourner en rond sur la place.
Ces premières mères ont pour nom Azucena Villaflor, Berta Braveman, Haydee Garcia Buelas, Maria Adela Gard de Antokoltez, Julia Gard, Maria Mercedes Gard, Cándida Gard (elles sont 4 sœurs), Delicia González, Pepa Noia, Mirta Baravalle, Kety Neuhaus, Raquel Arcushin et De Caimi.
Le vendredi suivant, d’autres mères les rejoignent dont Hebe de Bonafini et De la Plata.
La Plaza de Mayo porte au sol un cercle de foulards blancs pour rappeler leur marche contre le temps et pour la vérité et la justice.
En l’âme la souffrance tôt commence/pâle/
En lumière incertaine elle explore ton absence/
Le cœur se lève lourd de peines/
Parcourt le ciel comme cherchant le soleil (..)
Assassinat de mères et de religieuses françaises
Esther Balestrino de Careaga, Azucena Villaflor, Marias Ponce de Bianco, Alice Domon, Léonie Duquet.
Le 10 décembre 1977 pour la journée internationale des droits de l’homme, les mères publient un encart dans les journaux avec les noms de leurs enfants disparus.
Cette nuit-là elles seront enlevées avec à leur domicile ainsi qu’Alice Domon et Léonie Duquet, deux religieuses françaises qui soutenaient les Mères de la Place de Mai. Elles seront détenues dans le camp de concentration de l’ESMA, école de mécanique de la marine alors dirigée par alfredo astiz.
Leurs corps ne seront identifiés qu’en 2005 portant des fractures compatibles avec une chute ou un choc sur une surface solide confirmant l’hypothèse qu’elles aient succombé à l’un des vols de la mort
Même ainsi je le voudrais/ chose ou loque/
Je le remettrais dans mon ventre/à l’abri/ dans ma mer/
Je le naîtrais à nouveau/
(Passe l’ours en peluche)
La mère chante :
J’ai un ours vert
Qui toujours se perd/
(passe le canari)
La mère chante :
Lorsque mon fils se lève/
Le chant du canari s’élève/s’élève/
Les ouvriers au loin disent en chœur :
Les/dis/pa/rus
Que/sont-ils/de/ve/nus
Par Archivo Hasenberg-Quaretti — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=27392322
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Les marches de la résistance
Commencées à partir de 1981 pour réclamer le respect des droits de la personne, elles continuent lors de la transition démocratique pour revendiquer le jugement des responsables de crimes contre l’humanité et cessent en 2006. Car les mères et les grands-mères estiment que le gouvernement de Néstor Kirchner s’implique suffisamment dans la volonté de faire juger les responsables de ces crimes.
En 1982, les mères refusent de soutenir la guerre des Malouines qu’elles estiment être une entreprise mortifère de la junte et que les morts de cette guerre sont aussi leurs morts.
Le slogan était :
« Les Malouines sont argentines, les disparus aussi ».
La majorité des organisations politiques avaient lors soutenu par patriotisme la revendication contre la souveraineté de ces îles.
L’association grandit, devient plus revendicative dans ses demandes de réponses sur les disparitions forcées.
Par Roblespepe — Travail personnel, GFDL, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3559708
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La scission
En 1986, le mouvement se scinde en deux avec d’une part les Mères de la Place de Mai, ligne fondatrice et d’une autre part l’association des Mères de la Place de mai. Ceci en raison des divergences dans l’attitude à suivre face au gouvernement de Raul Alfonsin élu en 1983.
Les mères de la ligne fondatrice acceptent des dédommagements versés à certaines familles par le gouvernement d’Alfonsin (200.000 dollars), les autres refusaient les compensations financières affirmant que cela allait interférer avec les procès et préparerait à des amnisties ultérieures
Les mères de la ligne fondatrice refusaient la prise de parole en public des mères vers les années 1984/1985 préférant les marches silencieuses. Elles étaient en faveur de l’exhumation des corps et de l’identification des victimes effectuée grâce au travail de l’équipe argentine d’anthropologie judiciaire, EAAF. Elles voulaient en cela faire leur deuil et que soient jugés les responsables des violations de droits de l’homme.
Hebe de Bonafini
Par Pruxo. — Travail personnel., GFDL, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=7287320
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L’association des Mères de la Place de Mai est plus politisée, car elle essaie de pérenniser les rêves et les espoirs portés par leurs enfants disparus. Ils ont d’ailleurs disparu à cause de cela. Elles sont contre tout hommage ou commémoration qui ferait abstention de l’engagement politique et révolutionnaire de leurs enfants disparus.
Autour de l’idée d’une socialisation de la maternité, elles ont transformé les luttes individuelles pour leurs enfants en luttes collectives pour toutes les victimes de la dictature et les acteurs sociaux du monde entier. Hebe de Bonafini la présidente déclare :
« Nous n'acceptons aucune charge politique, mais nous faisons de la politique. Nous ne sommes pas un organisme des droits de l'homme ni une ONG, mais une organisation politique, sans parti »
Ces femmes convaincues que leurs enfants sont morts sous la torture éprouvent plus de difficultés à admettre l’exhumation des corps ressenti comme un traumatisme. Elles s’opposent à toute négociation avec le pouvoir et à toute indemnisation.
L’association embrasse une vision socialiste libérée de la domination des intérêts individuels. Elle participe à plusieurs voyages, Cuba en 1988, le mouvement des Sans Terres (MST) au Brésil, le Pérou, le Chiapas, la Yougoslavie, Israël et la Palestine, l’Irak…
Elles ont ouvert une librairie et un café littéraire du nom d’Osvaldo Bayer un historien des mouvements sociaux, une radio en 2005, la Voz de las madres qui diffuse sur les ondes et sur internet, elles ont créé une université populaire, se sont engagées dans le social, ont soutenu un programme de logements dans les bidonvilles.
En 2010, l’association se joint à la plainte contre le maire de Buenos Aires, Mauricio Macri et de sa décision de doter la police métropolitaine d’armes taser.
Estela de Carloto
Par Presidencia de la Nación Argentina, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8035533
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Les grands-mères de la Place de Mai
Abuelas de Plaza de Mayo
Proches des Mères de la Place de Mai, les grands-mères ont fondé une ONG en 1977, un an après le coup d’état de mars 1976 dans le but de retrouver les enfants volés pendant la dictature et les rendre à leurs familles légitimes. Elles ont également été frappées par la répression avec la séquestration et l’assassinat à Lima de Noemi Gianetti de Molfino.
Les grands-mères ont réussi à rendre possible avec les scientifiques la preuve de la filiation d’un enfant à 99.9 % même en l’absence de ses parents. Le taux a été appelé en leur honneur, indice de abuelidad ( taux de grand-maternité). C’est le sang des grands-parents, des oncles et frères et sœurs qui sert d’indice.
En mai 1987 parait la loi 23.511 portant création de la banque nationale des données génétiques. Ce sont elles qui ont permis cette avancée. La banque contient les portraits génétiques de 352 familles (3000 personnes environ).
Grâce à leur travail de fourmis, 107 enfants ont été identifiés en 2013 chiffre porté à 115 en 2014 sur les 500 enfants kidnappés et mis en détention pendant la période militaire.
Elles réclament au PDG d’un puissant groupe de presse, Clarin qu’elle délivre les échantillons d’ADN de ses enfants pour s’assurer qu’ils ne font pas partie des BB séquestrés (des soupçons planent sur cette éventualité).
Estella Barnes de Carlotto reçoit le prix des droits de l’homme en 2003.
Laura sa fille avait donné naissance à un fils en 1977 et elle sera exécutée deux mois plus tard. Elle était membre des Montoneros avec son compagnon assassiné dans les locaux de l’ESMA. Le corps de la mère a été rendu à la famille ce qui est assez exceptionnel.
Le 5 août 2014, Estela retrouve son petit-fils Guido Montoya Carlotto qui vivait sous l’identité d’Ignacio Hurban. C’est le 114e bébé volé de la dictature qui est retrouvé par les abuelas.
Le froid des pauvres qui un jour triompheront/crépite
Au fond du pays/torturé/étouffé
Il crépite en douleurs automnales/de lui tombent de
Petites feuilles /des odeurs sèches/des compagnons/ils
Pourrissent
Nourrissant des fureurs à venir/mon âme
Qui croît ainsi contre les bêtes/donne-moi
Courage ou feu/que pourrir je puisse/continuer/
Pour nourrir la victoire/
Juan Gelman
Par Presidencia de la Nación Argentina, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3135655
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source wikipédia
Les extraits poétiques qui illustrent cet article sont de Juan Gelman un poète argentin.
Il a écrit Lumière de mai oratorio en l’honneur des mères de la Place de Mai et parce qu’il était touché également dans sa chair par l’assassinat de son fils sous la dictature. Lui aussi avait un petit enfant inconnu, une petite-fille qu’il réussira, certainement grâce à sa notoriété à retrouver 23 ans après en Uruguay.
Asociación Madres de Plaza de Mayo
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