Angela Davis, des idéaux bien affirmés
Publié le 8 Mars 2016
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Par RIA Novosti archive, image #36716 / Yuriy Ivanov / CC-BY-SA 3.0, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=19313032
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Militante des droits de l’homme, féministe et communiste américaine, professeur de philosophie.
Angela Yvonne Davis
Née le 26 janvier 1944 dans une famille afro-américaine à Birmingham en Alabama.
Son enfance sera à jamais marquée par les violences, les brimades, les humiliations et la ségrégation raciale envers les noirs avec entre autre les affrontements contre les maisons construites par les familles noires dans son quartier.
Sa conscience politique s’affirme grâce à l’expérience militante de ses parents.
Son père est diplômé de St Augustine’s college, une institution réservée aux noirs américains en Caroline du nord. Il sera brièvement professeur d’histoire dans le secondaire mais son salaire étant insuffisant, il achètera une station service dans le quartier noir de Birmingham.
Sa mère a mené des études jusqu’au supérieur, elle était professeur dans le primaire. Ses parents ont tous les deux participé à des mouvements antiracistes. Sa mère a milité pour la libération des Scottsboro boys. Les parents sont membres de la National association for the advancement of coloured people, NAACP.
Elle étudie dans le secondaire dans une école privée de Greenwich village à New York dans lequel le corps enseignant est de gauche et interdit d’enseignement public.
C’est ici qu’elle va découvrir le mouvement socialiste et le communisme avec l’expérience utopique de Robert Owen considéré comme le père fondateur du mouvement coopératif.
Elle rejoint une organisation de jeunesse marxiste léniniste, Advance, participe à des manifestations de soutien au mouvement pour les droits civiques.
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Lorsqu’Angela arrive à New York pour y poursuivre ses études, elle est logée chez le révérend William Howard Melish, un pasteur de l’église épiscopale de Brooklyn dans les années 50. Ses prises de position contre le maccarthysme et son affiliation à la Soviet-American- friendship organization (organisation de l’amitié americano-soviétique) lui avait fait perdre ses fonctions.
En 1962, elle obtient une bourse pour étudier à l’université Brandeis dans le Massachussetts. Elle fait partie des 3 étudiantes noires de première année. Elle se plonge dans la lecture des existentialistes français, Sartre, Camus. Elle occupe de petits emplois pour financer un voyage en Finlande où se déroule le festival mondial de la jeunesse et des étudiants. Lors de sa deuxième année à Brandeis, elle étudie la littérature et la philosophie française contemporaine. Avec une prolongation de sa bourse elle peut poursuivre son programme français de troisième année au Hamilton college.
C’est lors d’un séjour à Biarritz en France qu’elle apprend l’attentat qui a frappé l’église baptiste de sa ville natale, Birmingham où 4 jeunes filles sont tuées dont 3 sont de ses connaissances.
Sur les conseils de Herbert Marcuse , le philosophe qui sera son guide, elle part étudier la philosophie à Francfort en 1965 au moment où se déroulent aux EU les émeutes de Watts.
En Allemagne, elle côtoie des étudiants allemands de l’union socialiste allemande des étudiants, elle participe à des manifestations contre l’intervention militaire américaine au Vietnam, elle est contre la projection du film documentaire italien pro-colonisation Afrique Addio.
En Amérique, pendant l’absence d’Angela, le mouvement de libération des noirs évolue vite et se radicalise dans le sillage du slogan Black Power.
Elle rentre aux EU après sa seconde année d’études en Allemagne pour se rendre à l’université de San Diego.
A San Diego, elle sera malgré tout décalée du mouvement noir qu’elle souhaitait rejoindre et elle s’emploie alors à lutter sur le campus contre la guerre au Viêtnam. Elle sera arrêtée à la suite d’une distribution de tracts.
Elle organise à San diego un conseil des étudiants noirs de l’université de San Diego, participe à un comité de soutien à Ed Lynn, un soldat qui a lancé une pétition contre la discrimination raciale de l’armée.
Sur le plan du militantisme, elle a des idées bien affirmées à propos du mouvement black nationaliste. Elle est opposée à l’idée que la libération du peuple noir doive passer par une séparation de la société blanche et la fondation d’une nation noire en Amérique.
Elle refuse également la méthode qui consiste à exacerber les antagonismes entre noirs et blancs afin de provoquer des soulèvements comme à Watts
Née le 26 janvier 1944 en Alabama, Angela Davis est marquée dans sa jeunesse par la ségrégation raciale qui prévaut dans le Sud des Etats-Unis. Elle poursuit ses études à New York où elle f...
http://www.rts.ch/archives/tv/culture/voix-au-chapitre/3466619-angela-davis.html
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Elle est d’accord par contre avec l’intégrationnisme de Martin Luther King. Ce qui résume et dirige son positionnement, c'est la pensée marxiste, pour elle la lutte de libération des noirs doit s’inscrire dans le mouvement révolutionnaire constitué par le socialisme.
Les organisations nationalistes rejettent le marxisme considéré par certains comme une chose de l’homme blanc.
Après des hésitations, une réticence au communisme nourri par un discours libertaire critique à l’égard de celui-ci qu’elle a entendu en Allemagne à propos du communisme soviétique, elle finit par adhérer en 1968 au Che-Lumumba club, section du PC des EU réservée aux noirs. Elle avait rejoint le Black Panther party en 1967. La position du Black Panther party était une position révolutionnaire se caractérisant par le refus de l’intégrationnisme et le séparatisme.
Angela a bien compris que seule l’unité des mouvements sociaux et politiques entre blancs et noirs, hommes et femmes permettra de combattre la classe dirigeante.
Elle sera renvoyée de l’université de Californie à Los Angeles en 1969 où elle enseignait à cause de son activisme politique.
Elle milite au sein du comité de soutien aux frères de Soledad, trois prisonniers noirs américains accusés d’avoir assassiné un gardien en représailles de l’assassinat d’un codétenu.
Le féminisme
C’est une autre composante de son action militante. Celui-ci est nourri en partie par son parcours militant au cours duquel elle s’est heurtée au sexisme d’une partie du mouvement nationaliste noir y compris d’organisations auxquelles elle appartenait. Elle estime pour sa part qu’un authentique mouvement de libération doit lutter contre toutes les formes de domination, l’homme ne pouvant se libérer s’il continue d’asservir sa femme et sa mère.
En France, elle s’oppose à ce qu’elle considère comme un acharnement contre le voile musulman ce qui pour elle tend à transformer ce voile en outil de résistance et rend les femmes voilées alors plus »féministes » que celles qui ont entrepris de se dévoiler.
Dans Women, race et class (1982), Angela dénonce l’évolution historique et la connexion du mouvement des femmes, du mouvement de libération des noirs et de la lutte des classes. Les femmes noires subissaient alors trois sanctions discriminatoires : à cause de leur classe sociale, à cause de leur race et à cause de leur sexe.
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Le procès
Le 7 août 1970 a lieu une prise d’otages visant à libérer George Jackson, membre des Black Panthers, condamné à la prison à vie à l’âge de 18 ans pour un vol de 70 dollars qui tourne mal. Quatre personnes sont abattues et trois autres grièvement blessées. Angela est membre du comité de soutien de George Jackson et le FBI l’accuse d’avoir procuré les armes qui ont permis ce coup de force. Elle prend la fuite pendant deux semaines. Elle sera la troisième femme de l’histoire à être inscrite sur la liste des personnes les plus recherchées par le FBI, la most wanted list. Le FBI est en lutte contre les Black Panthers et les communistes dans un contexte de guerre froide et de guerre au Viêt Nam.
Le 13 octobre 1970, elle est arrêtée dans un hôtel et accusée de meurtre et séquestration, c’est la peine de mort.
Une mobilisation mondiale va alors se mettre en place devant l’injustice de sa situation. John Lennon et Yoko Ono chantent la chanson « Angela », les Rolling Stones écrivent pour elle Black Angel, Prévert lui écrit un poème. Des manifestations se produisent dans les capitales. A Paris, 100.000 personnes demandent sa libération avec en tête Aragon et Sartre.
La pression internationale permet qu’elle soit acquittée en 1972 de toutes les charges pesant contre elle par un jury composé uniquement de blancs lors d’un procès hyper médiatisé mettant à jour la machination du FBI.
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Elle est libérée et deviendra alors une grande figure représentative de la justice et de l’égalité.
En 1980 et en 1984, elle suit les conseils de ses amis et se présente aux élections sous les couleurs du parti communiste américain en tant que vice-présidente du candidat communiste Gus Hall.
Un point fort de son programme est la suppression de l’industrie carcérale qui encourage le crime au lieu de le corriger et qui est fondamentalement raciste.
Elle continue de mener des combats, pour la paix au Viêt Nam, l’égalité des femmes, contre le racisme et l’oppression.
Aujourd’hui elle milite contre la peine de mort aux EU, contre le système carcéral qui est une manne inépuisable pour le gouvernement et les sociétés privés qui le contrôlent.
Elle rejoint le comité international de soutien aux victimes vietnamiennes de l’agent orange.
Univers carcéral
A propos du 13e amendement de la constitution des EU autorise l’esclavage lorsqu’il s’agit de punir un crime :
Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura été dûment condamné, n’existeront aux États-Unis ni dans aucun des lieux soumis à leur juridiction.
Angela dit à ce propos :
« Le 13ème amendement a permis à un nouveau système de punition de naître. L’emprisonnement est comme l’esclavage, dans le sens où un grand nombre de personnes de couleurs vivent dans les mêmes conditions que des esclaves, dans les prisons. Pourquoi les États-Unis ont-ils le plus grand nombre de personnes incarcérées au monde ? Parce que le capitalisme, notamment à travers les entreprises américaines, a tout simplement besoin de main d’œuvre bon marché ! Les prisonniers sont devenus très rentables. »
The dissident
Ses écrits
- If They Come in the Morning: Voices of Resistance (1971)
- Frameup: The Opening Defense Statement Made (1972)
- Angela Davis: An Autobiography (1974)
- Women, Race and Class (1981)
- Violence Against Women and the Ongoing Challenge to Racism (1985)
- Women, Culture and Politics (1989)
- Blues Legacies and Black feminism: Gertrude Ma Rainey, Bessie Smith and Billie Holiday (1999)
- The Angela Y. Davis Reader (1999)
- Are Prisons Obsolete? (2003)
Traduits en français
- Autobiographie, trad. Cathy Bernheim
- Femmes, race et classe, trad. Dominique Taffin-Jouhaud et le collectif des femmes
- Les Goulags de la démocratie : réflexions et entretiens, entretiens recueillis par Eduardo Mendieta
- S’ils frappent à la porte à l’aube, avec Bettina Aptheker
- Angela Davis parle, Paris, Éditions sociales