Chili : Adolfo Millabur, maire de Tirúa : le chemin pour résoudre les conflits ce n'est pas plus de police ni plus de répression

Publié le 22 Février 2016

Adolfo Millabur, maire de Tirúa : le chemin pour résoudre les conflits ce n’est pas plus de police ni plus de répression.

Macarena García Lorca , 12 février 2016 The Clinic On line

http://www.theclinic.cl/2016/02/12/alcalde-de-tirua-el-camino-para-resolver-los-incidentes-no-es-maspolicia-ni-mas-represion/

 

Adolfo Millabur Ñancuil, maire de l'une des régions où se concentre le conflit mapuche, a rencontré hier le ministre de l'Intérieur Jorge Burgos, au cours de sa visite dans la région de La Araucanía et il a, à nouveau, insisté pour que le gouvernement trouve une solution politique et ne continue plus à miser sur la militarisation de la région. En outre, dans une interview avec « The Clinic On line » , il affirme que l'État a donné la priorité aux intérêts des entreprises forestières au détriment de la population et qu’à cause de l'exploitation forestière, l'eau s’est raréfiée.

Comment évaluez-vous la visite du ministre Burgos dans la IXe Région ?

Nous avons eu une conversation franche et directe. J’ai réitéré les thèmes que j'avais abordés personnellement avec la Présidente, il y a deux semaines. Je lui ai dit qu’en tant que dirigeant et maire de Tirúa, je n’étais pas d’accord pour que la région soit plus militarisée qu’elle ne l’est déjà, parce qu’un problème politique ne se résoud pas en recourant à la police. Ce n’est pas la tâche des gendarmes de résoudre un problème politique. En outre, la violence engendre la violence, le chemin pour résoudre les conflits, ce n’est pas plus de policiers ni plus de répression policière. Dans la pratique, ce que la population locale observe c’est que les effectifs de police augmentent, mais le sentiment d'abandon est pire ou le même que si nous ne disposions pas de police.

Pourquoi ce sentiment ?

- À Tirua, il y a 130 policiers stationnés dans la commune, mais seulement 30 sont au service de la communauté. Ils sont divisés en trois équipes, de 10 carabiniers chacune, dont nous devons soustraire deux gardes et agents administratifs, ce qui laisse 5 policiers chargés de la communauté. Que se passe-t-il quand une famille est victime de délinquants de droit commun ou de violence intrafamiliale ? La réponse de la gendarmerie, c’est qu'ils n'ont pas de personnel. Mais, quand une entreprise forestière appelle, immédiatement tout le contingent est mobilisé pour protéger les biens de l’entreprise. Il y a 100 policiers destinés à assurer la protection des travaux forestiers. Ainsi, on a le sentiment ici qu’on écoute que les puissants, ce que nous sommes en train de vivre ici est terrible. Je l’ai dit au ministre.

Que pensez-vous de l'Etat qui favorise la défense des entreprises forestières?

« C’est un signal désastreux que ceux qui dirigent les actions du gouvernement sont les pouvoirs de facto de ce pays. C’est grave comme signal et grave pour la coexistence, cela entraîne un manque de respect et la mise à l’écart de la population. Quelle a été la réponse du ministre de l'Intérieur face à cette approche ? « Il semble qu'il ait compris que ce n’est pas bien que les choses fonctionnent ainsi, mais il n'a rien annoncé pour que cela change. Jusqu'à présent, l'État n’a abordé les événements qui se produisent dans les VIII et IXe régions que sous l’angle policier et répressif. Cela ne va pas résoudre le problème. Depuis le retour à la démocratie, nous avons déjà eu cinq gouvernements et cette recette a démontré qu’elle ne résolvait rien.

À votre avis comment devrait-on aborder politiquement le conflit ?

D’abord s’asseoir et dialoguer entre les trois parties : le gouvernement, les compagnies forestières et les communautés mapuche. C'est le premier acte. S'il y a une partie qui n'est pas disposée à participer, la table sera boiteuse. Si le discours consiste seulement à parler : « de vol de bois, de violence et d’envoi de police », le signal est mauvais. Par exemple, lorsque Burgos a passé le Nouvel An avec la police dans la région, il est devenu une sorte de ministre de la guerre du Chili, comme les Etats-Uniens qui envoient leur ministre de la guerre au MoyenOrient pour encourager leurs troupes. Dans ce cas, Burgos donne un signal d'appui à la police, au lieu de donner un signe de neutralité, de dialogue, de cohérence, de compréhension. C’est une forme d'agression à l'inconscient collectif de la population.

Dans quelle direction, estimez-vous qu’il faut avancer pour résoudre le conflit?

Les conflits majeurs se produisent dans les terres qui sont aujourd'hui détenues par les entreprises forestières et qui ont été occupées pendant la dictature militaire lors du processus appelé « contre-réforme agraire ». Ces terres étaient pendant la réforme agraire en cours de transfert aux communautés, mais dès l’arrivée de la dictature, elles sont passées aux mains de Conaf et la Cora (Corporation de la réforme agraire). Grâce à la gestion de Julio Ponce Leou, le gendre de Pinochet, ces terres sont devenues propriétés des entreprises forestières. C’est un fait qui a marqué la mémoire des communautés, cela fait moins de 40 ans, et les communautés savent que ces terres leur appartiennent, alors le concept de vol de bois est relatif quand on connaît l'histoire. C’est comme l’œuf et la poule , qui vole qui ?

Comment évaluez-vous le rôle joué par les entreprises forestières ?

« Elles sont les principales responsables de ce conflit, elles l'ont généré. Je l'appelle « la troisième invasion". La première a été l'invasion espagnole, la seconde a été celle de l'Etat chilien et la troisième celle des entreprises forestières soutenues par la dictature et les lois exceptionnelles qui leur ont permis de se développer sur les territoires des communautés mapuches. En outre, nous sommes en train de parler de thèmes communs à toute la communauté, non seulement les Mapuches qui sont ceux qui se manifestent. L'exploitation forestière engendre de graves problèmes pour l'ensemble de la population.

Quels sont-ils ?

Nous avons de sérieux problèmes avec l'effondrement des ressources en eau qui est tombée au minimum pour la consommation humaine. Il y a une pénurie d'eau dans notre territoire. Cela n'a rien à voir avec le changement climatique, mais c’est le résultat d’une activité de monoculture qui absorbe de grandes ressources d'eau, et déjà les nappes souterraines et les aquifères ne sont plus en mesure de fournir de l'eau à la population. Par exemple, en ce moment, nous sommes en train d'apporter de l'eau à la population avec des camions citernes. Nous avons huit communautés dépourvues d’eau potable. 

Merci Henri

Rédigé par caroleone

Publié dans #ABYA YALA, #Chili, #indigènes et indiens, #Mapuches

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