Couleur rouge : Le carmin de la cochenille
Publié le 16 Avril 2015
image « Carmine » par Stephhzz — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia
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Un insecte
La cochenille
Ou plutôt l'espèce dactylopius coccus de la famille des coccoidés.
Un insecte domestique qui vient d'Amérique du sud, tropicale et du Mexique, un parasite sessile vivant uniquement sur des cactus du genre opuntia.
image « Cochineal drawing ». Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons - DariusMazeika
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La cochenille produit l'acide carminique pour se protéger des prédateurs (C22 H20 O13), un éther de couleur rouge, agent colorant du carmin.
On la connait aussi sous d'autres noms : gran fina, cochenille farineuse, cochenille cultivée, cochenille mixtèque (nochestli en nahuatl).
Un cactus-hôte : l'opuntia
Quasiment tous les opuntias peuvent fournir l'alimentation à la cochenille mais seules certaines espèces ont été modifiées et appropriées par des soins.
Les opuntias à cochenilles sont désignés par les nahuatl sous le nom nopalnochestli. Pour être opérationnels, les opuntias doivent présenter des parties tendres et gorgées de sucs pour que la cochenille puisse y fixer sa trompe et ne plus partir. Le nopal ne doit pas rester épuisé après la récole, il doit résister aux nombreux élevages sans être devoir refaire à chaque fois une nouvelle plantation.
image « Cochenille z02 » par Zyance — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 2.5 via Wikimedia Commons -
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Dans l'Oaxaca, les deux variétés utilisées étaient le nopal de Castille et le nopal de San Gabriel.
Les scientifiques eux, ne reconnaissent pas ses variétés et ne retiennent que la variété inerme opuntia ficus indica comme opuntia cochenillifer.
Les opuntias sont plantés et on leur laisse le temps de se développer en plein air jusqu'à ce qu'ils soient en condition de recevoir les cochenilles. Ensuite on dispose des abris pour préserver les essaims de l'action directe du soleil, de la pluie et de la rosée.
La cochenille a des prédateurs contre lesquels il faut se défendre : insectes, animaux domestiques, petits rongeures, lézards, oiseaux, cochenilles sauvages. Il y a également deux maladies spécifiques qui touchent les cochenilles, le choreo et la chamusco.
Les nopaleries de l'Oaxaca n'ont plus lieu d'être dans cette région où pendant des sicècles, l'activité était florissante et riche. Il en reste peut-être encore dans la ville d'Ocotlan, une ville importante dans l'histoire de l'exportation de cochenille.
image « Indian collecting cochineal » par José Antonio de Alzate y Ramírez (1737 – 1799). — Newberry Library: Vault Ayer MS 1031. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons - Xocoyotzin
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Les indigènes qui travaillaient à la culture des nopals pour l'élevage de cochenilles s'appelaient les nopaleros.
Les aztèques, les incas et les mayas extrayaient du rouge carmin et l'aje un produit imperméable aux vertus médicinales venant également de grosses cochenilles de 2 cm de long.
image ci-dessous planche d'opuntia ficus indica (figuier de Barbarie)
« Opuntia16 filtered » par Mary Emily Eaton (1873-1961)Daniel Schweich for the filtred image.
image « Cochinel Zapotec nests » parOscar Carrizosa — (Go-Oaxaca Newsletter ) http://www.go-oaxaca.com/newsletter/cochineal.html. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons -
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Au Mexique, la culture du nopal pour l'élevage de la cochenille à l'ère précolombienne est l'une des plus curieuses et des plus fameuses.
A l'époque de la conquête espagnole, l'exploitation se faisait surtout dans l'Oaxaca jusqu'à Tlaxcala et elle était dévolue aux indigènes zapotèques.
Les mixtèques à l'époque précolombienne en tiraient d'importants revenus dans la région de la Mixteca et la ville principale de cette région s'appelait fort justement Nochistlan (de nochestli, cochenille et tlan, localité).
Les mixtèques appelaient la cochenille du nom de n’duco.
Les espagnols connurent cette culture et voyant son potentiel financier en exportent quelques échantillons vers 1523. Cette nouvelle denrée arrive sur le continent et l'industrie alors en mesure les profits et les avantages apportés par cette couleur rouge éclatante et solide.
Les espagnols s'affairent de développer des cultures dans d'autres régions du Mexique, au Yucatan, au Michoacan et en Nouvelle Galice (actuel état de Jalisco). Mais après une certaine prospérité cette culture s'arrête pour différentes causes en rapport avec la colonisation.
Dans l'oaxaca, la culture continue dans les districts d'Ocotlan, d'Ejutla, de Miahuatlan et Zimatlan et se maintient jusqu'à l'indépendance mexicaine malgré la concurrence des espagnols qui entreprennent des cultures dans leur pays et aux Canaries.
La méthode d’élevage contrôlé qui avait lieu au Mexique se faisait à l’aide de paniers dits « zapotèques » dans lesquels on plaçait des cochenilles mères au moment de la ponte avec des bourres faites avec la frondaison du tilandsia usnéoides (paxtle) pour ensemencer les nopals. Les jeunes cochenilles naissaient et se répandaient sur les, filaments de paxtle et pouvaient attendre le temps d’être placées sur des nopals nourriciers.
Toutes les étapes d’élevage des cochenilles demandaient un travail quotidien et minutieux avec des outils appropriés.
La croissance durait entre 3 et 4 mois après quoi les insectes muent et il faut nettoyer les essaims.
Ce sont les femelles qui produisent la teinture d’un pourpre profond mais aussi parfois nuancé.
L’acide carminique naturel extrait des cochenilles est de l’ordre de 19 à 22 %.
Procédé de fabrication
Les insectes sont tués par l’immersion dans l’eau chaude et séchés ensuite ou par l’exposition aux rayons de soleil, de la vapeur ou à la chaleur d’un four.
Les couleurs seront différentes selon les méthodes utilisées.
Il faut 70.000 insectes pour produire une livre de teinture de cochenille.
L’extrait de cochenille
C’est un colorant de base à l’état brut qui est pulvérisé du corps des insectes.
Le carmin est une coloration plus épurées.
Pour le préparer il faut réduire les corps des insectes en bouillie dans le l’ammoniaque ou dans une solution de carbonate de sodium.
L’insoluble est éliminé par filtrage. On ajoute de l’alun à la solution de sel de l’acide carminique clair pour précipiter le sel d’aluminium rouge.
La pureté des couleurs est assurée par l’absence de fer.
Pour les tons de pourpre, de la chaux est ajoutée à l’alun.
Pays exportateurs
Pendant un temps, le Mexique était le seul pays à exporter chaque année de grandes quantités de l'insecte produisant le carmin. Mais, quand arrivèrent sur le marché la garance, l'orseille et l'alizarine de synthèse, le commerce s'arrêta.
Le Pérou en 2005 produisait 200 tonnes de teinture, les îles Canaries, 20 tonnes. Le Chili et le Mexique se remettent aussi sur le marché.
Pays importateurs
La France est l’un des plus gros pays importateurs mondial, le Japon et l’Italie importante également la teinture.
Le prix du marché de la cochenille en 2005 :
Entre 50 et 80 USD le kg
(Colorants alimentaires synthétiques bruts = 10 à 20 USD /kg).
Que fait-on avec ce colorant de nos jours ?
Le colorant E120 issu de cochenilles sert à la fabrication des saucisses de Francfort et pour d’autres charcuteries. Il entre dans la composition de certains yaourts, de sodas (orangina rouge), du coca cola, du tarama, dans les boudoirs roses et certains bonbons.
Mais ce colorant naturel entre aussi dans la composition de médicaments et produits cosmétiques, dentifrices, fond de teint......
Il sert en histologie pour colorer les préparations microscopiques.
La cochenille méditerranéenne du chêne kermès
Au moyen-âge dans le sud de la France et dans le sud-est de l’Espagne étaient récoltées les cochenilles kermès vermilio.
La cochenille kermès vermilio est un insecte hémiptère parasite du chêne kermès. Les kermès des teinturiers ou graines écarlates ont désigné plusieurs nuances de couleurs chez les premiers teinturiers dont le vermillon mais aussi en déclinaison de cette pratique sont nés les mots cramoisi et carmin.
L’usage de cette cochenille méditerranéenne sera inchangé pendant des siècles jusqu’à la découverte dans le Nouveau Monde au XVIe siècle de la cochenille du nopal, dactylopius coccus dont le pouvoir de concentration et le pouvoir colorant sont supérieurs à ceux de la cochenille kermès.
Le coût de production de la teinture issue de la cochenille kermès était très élevé rendant la teinture onéreuse pour teindre la soie à l’époque.
Par exemple, pour teindre un drap fin, il fallait récolter de 1 à 1.5 millions d’insectes. Cette pièce de drap fin teinté au rouge kermès valait deux ans et demi du salaire d’un maître maçon.
La ville de Montpellier, au XIVe siècle était célèbre pour ses tissus écarlates de grande valeur.
La teinture était utilisée par les moines copistes dans les enluminures des manuscrits médiévaux.
Le principe tinctorial de cette cochenille est l’acide kermésique, un pigment rouge sang du type anthraquinone.
Mais de nos jours, l’espèce mexicaine à pris le dessus sur notre petite cochenille méditerranéenne et d’aucuns seront surpris de constater qu’ils mangent une partie d’insecte dans leur yaourt ou leurs saucisses mais à mon avis, c’est un moindre mal.
Source : wikipédia et cette lecture que je vous conseille :
Histoire de la cochenille au Mexique de M . Léon Diguet