Nous avons peut-être le temps : Hélène Martin chante Pablo Neruda
Publié le 3 Mars 2014
Le poème dont la chanson d'Hélène Martin est tirée :
Nous avons peut-être le temps
encore d’être, et d’être justes.
D’une manière provisoire
la vérité est morte hier,
cela tout le monde le sait
bien que chacun le dissimule :
elle n’a point reçu de fleurs :
elle est morte et nul ne la pleure.
Entre l’oubli et ce qui presse,
un peu avant l’enterrement,
nous aurons l’occasion peut-être
de notre mort de notre vie,
pour aller d’une rue à l’autre,
de mer en mer, de port en port,
de cordillère en cordillère,
et plus encore, d’homme en homme,
demander : « L’avons-nous tuée, nous,
ou bien les autres l’ont-ils tuée ?
Ce crime a-t-il été commis
par notre amour ? Nos ennemis ?
Puisque la vérité est morte
nous pouvons dès lors être justes.
Car avant nous devions nous battre
avec des armes d’obscur calibre :
pour nous blesser, nous oubliâmes
le pourquoi de notre combat.
Nous n’avons jamais su à qui
était le sang autour de nous,
nous avons accusé sans cesse,
sans cesse on nous a accusés,
ils ont souffert, et nous aussi,
mais alors qu’ils avaient gagné,
alors que nous avions gagné,
la vérité est décédée
de vieillesse ou de mort violente.
Maintenant tout est inutile ,
nous avons tous été vaincus.
Aussi je pense que peut-être
Nous pourrions enfin être justes
Ou que nous pourrions enfin être :
Nous avons cet ultime instant
Et après, mille années de gloire
Pour ne pas être ni revenir.