Plateau des Guyanes : Le peuple Kali'na
Publié le 12 Mars 2014
Peuple autochtone de la famille linguistique carib qui vit réparti dans plusieurs pays :
- Venezuela : 11.150 (2002)
- Guyane : 3000 (2002)
- Guyana : environ 475
- Suriname : 3000 (2002)
- Brésil état d’Amapa : 65 (village São José dos Galibi construit en 1950 lorsque le groupe arriva dans la région de la rive droite de l’Oiapoque)
Population totale entre 10.000 et 21.714 personnes
Les galibi du Brésil viennent de Guyane française sur la rivière Mana : c’est un malentendu important et mystérieux entre parents par alliance qui est à l’origine du départ de 38 personnes dont certains sont revenus sur la rivière Mana.
Langue : karib
Ancien nom : galibi (il s’agit d’un exonyme donné par les blancs)
Galibi est également l’auto désignation d’un groupe qui vit sur l’Oyapok au Brésil, en Guyane française (fleuves Maroni et Mana).
- Brésil : capitale de l’Amapa , Macapa dans le Para, à Belem.
- Guyane française : région entre le Maroni et la Mana, St Laurent du maroni, Mana et Iracubo.
- Suriname : rive gauche du Maroni, rives du fleuve Coppename.
- Guyana : le long du fleuve Cuyuni.
- Venezuela : dans les Llanos de la vallée de l’Orénoque, le long du fleuve Cuyuni (états de Sucre, Bolivar, Managas et Anzotaegui).
Tous les groupes maintiennent des contacts entre eux.
En 2006 , il y a eu une rencontre culturelle entre kali’na du Venzuela et Guyane française.
image ariabelli
Elle s’est transmise par la voie orale au travers les légendes. L’étude de ses peuples jusqu’à la fin du XXe siècle ne fait pas l’objet d’une attention particulière, d’ailleurs les européens bien souvent, ne font pas de distinction entre les tribus caraïbes.
Au XXe siècle, l’intérêt se développe auprès des recherches de Gérard Collomb, Félix Tiouka, président de l’association des amérindiens de Guyane française et de son frère Alexis. Les sources sont donc assez rares concernant les kali’na.
image cropbot
- 273 sites archéologiques amérindiens répartis sur une zone de 310 kilomètres 2, recouverte par le barrage de Petit Saut sur la Sinnamary (Guyane française) datent pour certains de 2000 ans et démontrent une activité amérindienne dans cette région.
- Avant 1492 : des indices démontrent la présence des kali’na sur la côte de l’embouchure de l’Amazone à celle de l’Orénoque. Ils partagent alors leur territoire avec les arawaks. Ils étaient voyageurs mais non nomades, effectuant des voyages sur terre et sur l’eau jusqu’aux rives de l’Orénoque afin de faire des échanges, voir leur famille, se marier. Ils allaient également sur les rives de l’Essequibo (Guyana) pour y ramasser des galets de porphyre rouge (takuwa) que les femmes utilisaient pour confectionner la poterie.
- XVIe au XVIIe siècle : arrivée des premiers européens, la Guyane compte alors 30.000 amérindiens.
Indiens Galibis fabriquant des poteires Dessin de Maillart, d'après le texte et des photographies.
- A l’arrivée des colons, une importante diminution de la population est constatée en raison des maladies apportées par les blancs espagnols. Les kali’na ont vite fait de s’apercevoir que ces blancs qui au départ essaient d’acheter la paix en leur offrant des objets de pacotille, cherchent vite à détruire leur territoire. Ils les nomment « pailantipo (destructeurs de kali’na) ; ils entrent en résistance mais ne font pas le poids face à l’armement des blancs.
Poteries, hamac, armes et ustensiles des Galibis. — Dessin de P. Sellier, d'après les objets rapportés par l'auteur.
- Au cours du XVIIe siècle : différents conflits éclatent avec le français qui fondent la ville de Cayenne en 1664, avec les anglais puis les hollandais qui s’installent sur le fleuve Surinam. L’intrusion des européens perturbe des circuits commerciaux les kali’na alors commencent à ne plus longer la côte pour se rendre sur l’Orénoque mais y vont directement par de petits ports sur la côte pour échanger des pierres précieuses, de l’or et des marchandises contre des bouteilles de rhume et des outils en acier. Décimés par les maladies et les harcèlements des colons ils fuient à l’intérieur des terres, dans la forêt tropicale que ne connaissent pas les colons. Ils seront nombreux sur les fleuves Approuague, Amana, Surinam et Saramacca. Les kali’na de la côte sont poussés vers l’ouest et cèdent leurs territoire aux plantations. Les alliances traditionnelles sont bouleversées et les kalis’na s’allient aux français et leurs alliés à l’ouest du fleuve Maroni. Ils deviennent actifs dans la traite d’esclaves amérindiens qu’ils raptent dans les villages wayana, trio et émérillons. Les expéditions contre ses peuples prennent fin au XVIIe siècle quand les noirs marrons bonis (alukus) et ndjuka prennent possession du haut Maroni.
- 1709 : fondation de la première mission jésuite à Ikaroua. Elle sera déplacée sur le fleuve Kourou en 1713. Les missions avaient pour objectif de répandre la foi catholique parmi les amérindiens pour « sauver » ceux-ci de leur sauvagerie. Les missions favorisent le métissage entre les tribus car elles sont toutes mélangées. Elles protègent néanmoins les indiens de l’esclavage car les colons n’y avaient pas accès.
- 1763 : la mission est abandonnée par les jésuites après l’ordre d’expulsion de la France et la dissolution définitive du pape en 1773. Il ne reste en 1787 que 50 indiens, maltraités et exploités par les colons de l’expédition de Kourou, ils fuient vers l’ouest au Surinam ou dans la région de la Mana et du Maroni.
- Dans les années 1780 : déplacement des noirs marrons bonis et ndjuka qui fuient les hollandais et arrivent sur le territoire des kali’na ce qui provoque de nombreux métissages. Les matis sont acceptés par la communauté kali’na mais pas considérés comme kali’na.
- XIXe siècle : apogée de la population kali’na, tentatives de colonisation de la région de Nouvelle Angoulême , échecs. Les amérindiens ont fui au Surinam, il ne reste que quelques villages sur le Sinnamary, la Counamama et la Mana.
- Seconde moitié du XIXe : expositions universelles : les européens dont étalage de leurs richesses coloniales dont les cultures colonisées. Les kalis’na seront une attraction de la capitale française en 1882 et 1892 au jardin d’acclimatation. Ils doivent danser au son des tambours et fabriquer leur artisanat de tressage et poterie en démonstration. En 1892, deux kali’na meurent à Paris lors de l’exposition et y sont enterrés.
- 1981 : création par les kali’na de l’association des amérindiens de Guyane (AAGF)
image we-el (Uwapotosan du village kali’na )
L’activité économique de base est la pêche, l’horticulture sur brûlis avec plantation de manioc, igname.
Une partie de la pêche et de la récolte est vendue sur les marchés.
Les maisons traditionnelles sont sans parois avec un toit à double pan. Certaines maisons reposent sur pilotis pour les isoler du sable.
Une bonne partie des kali’na est intégrée dans les secteurs primaires et secondaires des économies de leurs pays respectifs dans des emplois non qualifiés. Les kali’na du Venezuela travaillent surtout dans le secteur pétrolier. Ceux du Guyana s’occupent à des taches de bûcheronnage et parfois d’orpaillage. En Guyane française, ils ont participé à la construction du centre spatial guyanais à côté de Kourou.
C’est une ethnie qui vit en marge de la société mais qui est en train de s’acculturer assez rapidement.
image écoliers au Surinam (imagewe-el)
Vannerie variée, poterie de bonne qualité avec diverses formes.
Groupes patrilinéaires avec résidence virilocale. Les chefs de famille s’appellent les yapoto. On les reconnait grâce à leurs coiffes de plumes.
L’unité sociale actuelle est basée sur la famille nucléaire, le village est formé de ses unités et dirigé par un chef qui est désigné par l’administration et en accord avec la population. Son autorité est limitée. Les kali’na changent souvent de lieux de résidence, surtout à présent pour la recherche d’emplois salariés. Ils le font aussi traditionnellement pur ne pas fâcher les esprits des morts enterrés dans les villages, ni les esprits malfaisants ainsi que pour profiter de meilleures conditions de chasse et de cueillette.
Les anciens (uwapotosan) sont très respectés et écoutés, ce sont eux qui sont la mémoire vivante des groupes et transmettent l’histoire orale.
Même si la christianisation semble avoir relégué aux oubliettes le chamanisme, il n’en est rien et l’on s’aperçoit vite dans le quotidien que les symboles servent à distinguer lors des représentations folkloriques ou bien lors de la vie politique.
image ariabelli ( umali, coiffe de plumes)
Leur mythe fondateur parle d’un homme survivant sur terre après le déluge (umuti’po) qui s’était réfugié dans un palmier kumu avec son chien et son perroquet pour se protéger des eaux montantes. Il mangea les fruits du palmier tout en jetant les noyaux au sol, ceux-ci tombaient dans l’eau. Quand il n’entendit plus le bruit de l’eau il descendit et partit à la chasse. Pendant ce temps dans sa hutte, le chien retira sa peau de chien et se transforma en femme qui prépara le repas se rhabillant en chien juste avant le retour de l’homme. Celui-ci intrigué décidé le lendemain d’espionner la hutte : il vit le chien retiré à nouveau sa peau et devenir une femme. L’homme prit la peau de chien et la jeta mais la femme alors eu honte de sa nudité. Alors l’homme lui donna un kuyu, un cache-sexe.
Avant cette légende, hommes et animaux pouvaient se parler dans les légendes kali’na . Ils ont un grand respect pour les animaux qui étaient avant leurs frères.
Le syncrétisme religieux ne fait pas perdre pour autant les cultes à la nature animés par tout un panthéon dont les esprits forestiers malfaisants à 4 doigts, les imawala, un esprit de l’eau, amana, des esprits de la mer, les palanakili et des fleuves, tunakili.
Les chamans (piyai) sont les gardiens de la tradition, ils sont respectés par toute la communauté.
Un rituel est important au Venezuela et au Guyana, célébré le jour de la toussaint : l’akeatompo.
Les parents des défunts se rendent au cimetière les gras chargés d’offrandes, ils dansent et chantent et consomment une partie des offrandes. Ensuite il y a un nettoyage des sépultures, la réparation des objets des morts, des bougies sont allumées et des danses ponctuent la fête ainsi que des transes parfois.
Ils sont comme certains peuples d’Amérique du nord (innus) ou les aborigènes d’Australie victimes de l’alcool ce qui les marginalise d’autant plus que les hommes dépensent le peu d’argent dans le rhum. C’est le gouvernement colonial qui a introduit l’alcool au sein des peuples et sur leurs territoires. Pour autant, dans leurs coutumes traditionnelles, la consommation de bière de manioc ou de maïs fait partie intégrante des rituels, la bière favorise la cohésion sociale, la consommation reste collective et le fait d’être ivre est valorisé.
image (we-el) les tambours samboula
Ils utilisent des instruments à percussion dont un grand tambour, la samboula (sanpula), à deux membranes d’une corde de timbre, joué avec une mailloche.
Ils utilisent également deux sortes de maracas de danse, la kalawasi et la malaka, une trompe traversière, la kuwama qui est remplacée bien souvent de nos jours par la flûte traversière.
* Une lecture pour ce peuple :
Na’na kali’na, une histoire des kali’na en Guyane de Gérard Collomb et Félix Tiouka
* Une autre lecture sur la découverte des Guyanes :
Voyage d’exploration dans l’intérieur des Guyanes par le docteur Jules Crevaux, médecin de première classe de la marine française
Sources : wikipédia, sociomabiantal
image ariabelli : une femme kali'na et son enfant pris en photo à Paris à l'exposition universelle de 1882
image ariabelli : Kali'na au Jardin d'acclimatation de Paris en 1892.
Ils venaient à Paris mais pas de leur plein gré ou bien parce qu'ils avaient été payés, pour y être exhibés comme des animaux dans les zoos humains représentant la gloire des colons.
En 1882, 15 kali'na, membres de la même famille, originaires de Sinnamary et Iracoubo (Guyane) sont envoyés au pays des blancs. Ils sont logés dans des carbets sur la pelouse du jardin d'acclimatation. il existe plusieurs portraits d'eux pris par le photographe Pierre Petite dont celui-ci.
En 1892, 32 kali'na et des arawaks, d'Iracoubo, Sinnamary et du bas Maroni sont envoyés à Paris en plein hiver par un certain F.Leveau, un explorateur présent en Guyane pour recruter des "indiens peaux-rouges caraïbes" et les exhiber en public à Paris. Logés sur la pelouse du parc comme en 1882 mais dans 2 vastes huttes ouvertes comme des hangars fournies de nattes et de hamacs. Ils doivent danser et jouer du samboula, fabriquer de la poterie pour alimenter les photographes . Le froid les fit rapidement tomber malade et deux d'entre ex moururent à Paris.
Voilà pourquoi l'on a ce jour des images de ces malheureux sur notre sol....hélas.