Forêts en péril : Le Chaco paraguayen
Publié le 6 Février 2014
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Il s’agit de la seconde zone forestière du continent sud américain après la forêt amazonienne.
Le chaco possède un écosystème particulier d’une grande importance mondiale en raison de ses conditions écologiques et ethnosociologiques uniques qui sont fragilisées à plusieurs niveaux et le menace de désertification.
Le chaco paraguayen fait partie d’un immense écosystème d’une superficie de 647.500 km2 nommé Gran Chaco qui est une plaine sédimentaire alluviale qui se partage entre le Paraguay, la Bolivie et l’Argentine avec une partie au Brésil (une faible étendue qui fait suite au cerrado).
Le Gran Chaco était divisé historiquement en 3 parties principales :
- Le chaco austral : sud de la rivière Bermejo et intérieur du territoire argentin
- Le chaco central : entre la rivière Bermejo et la rivière Pilcomayo au nord en territoire argentin
- Le chaco boréal au nord de la rivière Pilcomayo jusqu’au Pantenal au Brésil, à l’intérieur des territoires paraguayens et boliviens.
C’est le chaco boréal dont il est question sur cet article.
image formations végétales paraguay : quebrachal
Ecosystème
Plusieurs types de végétation composent le chaco mais le principal c’est le chaco seco, une forêt sèche avec différents faciès.
Les 3 unités du chaco :
- La forêt xéromorphe (formation climacique couvrant la majeure partie du chaco seco)
image formation végétale paraguay : peladar forme appauvrie de quebrachal
- Le fourré xéromorphe : formation appauvrie issue de la forêt xéromorphe
- Le fourré xéro-hygrophile (matorral) : implanté sur les sols argilo-limoneux ou argileux soumis à des inondations temporaires et saumâtres
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Le visage du chaco
image pablo flores (quebracho blanc)
Le chaco seco sur une vaste étendue présente plusieurs physionomies : des forêts luxuriantes aux forêts sèches, des savanes aux marécages. Le chaco paraguayen est composé de paysages de forêts xéromorphes* du nord à l’ouest.
Au centre il s’agit du seco humedo, une mosaïque de forêts (savanes, palmeraies) comprise entre la rivière Pilcomayo et le rio Paraguay.
Les forêts du chaco seco, les savanes boisées basses avec des épineux sont difficiles à pénétrer.
La couverture végétale est très dense sauf dans les zones humides et sableuses qui sont plus ouvertes.
La strate arborée mesure entre 8 et 12 mètres de hauteur, la strate arbustive, entre 3 et 8 mètres de hauteur, le sous-bois est pauvre.
Les arbres et arbustes fleurissent à la saison des pluies (septembre à novembre) et leur cycle de reproduction s’achève d’avril à juin.
image de capybara,kremtak
Les sols salins attirent une grande variété de plantes et d’animaux. Exemples pour les animaux : jaguar, puma, ocelot, tapir, tatou géant, fourmilier, renards, capybara, agouti, loup à crinière, cerfs palustres, pécari, guanaco. Le chaco est le refuge du nandou un grand oiseau typique de l’Amérique du sud. La population d’oiseaux est abondante. Les cours d’eau abritent plus de 400 espèces de poissons (saumon, dorade, piranha). Il existe également de nombreuses espèces d’insectes, de reptiles, 60 espèces de serpents reconnues, 6 espèces de crapauds toxiques.
Le climat est extrême grimpant jusqu ‘à 50 ° l’été et descendant en dessous de 0° l’hiver. Les périodes de grande sécheresse alternent avec les inondations massives.
Cette région du chaco paraguayen est le système le plus diversifié du Gran chaco : la flore accueille quand à elle plus de 5000 espèces dont 486 endémiques.
C’est peut-être au chaco que l’on doit l’extraordinaire biodiversité de l’ensemble de l’Amérique du sud. Les étranges espèces du chaco ont proliféré durant l’ère glaciaire pour envahir les régions tropicales éloignées comme l’Amazonie. Elles y ont laissé leurs graines et créé des réserves de patrimoine génétique.
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Les dangers : pilleurs et pollueurs
La forêt du chaco du Paraguay subit la plus grande déforestation au monde qui anéantit son système écologique précieux mais également le mode de vie des communautés autochtones. Entre 2000 et 2010 la déforestation a rayé de la carte au moins 2 millions d’hectares de forêts (superficie égale à celle du pays de Galles)
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L’état du Paraguay poussé par les intérêts économiques a livré des terres indigènes aux éleveurs d’une compagnie brésilienne nommé Yaguarete Para SA sur une réserve de biosphère de l’Unesco.
Ces derniers ont rasé aux bulldozers les parcelles de forêts dans lesquelles se réfugient les ayoreo isolés provoquant l’indignation et violant également les droits nationaux et internationaux.
Les images satellite révèlent que la compagnie brésilienne d’élevage bovin Yaguarete – détenue par Marcelo Bastos Ferraz – a déjà commencé à détruire de vastes étendues de forêt habitée par les Ayoreo isolés. La viande de son cheptel étant destinée au marché européen, Survival International a saisi la Commission européenne sur ses activités illégales.
Les compagnies d’élevage ont déjà réduit à néant plusieurs milliers d’hectares de forêts pour en faire des zones agricoles.
Aux yeux des grands intérêts commerciaux, agroindustriels et pétroliers cette région représente l’ultime frontière pour l’expansion de leurs affaires.
Il faut savoir que la situation du chaco est aux antipodes de celle de la forêt amazonienne pour laquelle les mobilisations ont permis de faire chuter le taux de déforestation (recul de 70 % depuis 2004). Au chaco, le taux s’accélère et dépassera bientôt celui de l’Amazonie. Le gouvernement paraguayen est responsable de cet état de fait, lui qui au lieu de protéger cet environnement approuve toutes les propositions de défrichage des propriétaires qui dans ce no man’s land font la pluie et le beau temps de leurs immenses ranch. L’état du Paraguay a déjà été condamné trois fois pour violation des droits des peuples indigènes.
Pour de nombreux analystes, la destitution du président Fernando Lugo en 2012 a mis en évidence toute l’ampleur du pouvoir concentré aux mains des propriétaires latifundistes, des magnats de l’agro-industrie du soja, des patrons de l’industrie du Paraguay. Ce pays est celui d’Amérique latine qui affiche la plus forte concentration de propriété foncière : 82 % des terres appartiennent à 2% de propriétaires.
En ne remplissant pas l’une des principales promesses électorales qui est en même temps une nécessité pour le pays, à savoir, la réforme agraire, le gouvernement s’est mis en position de vulnérabilité et a pris ses distances par rapport aux mouvements sociaux, il s’est également constitué otage des oligarchies historiques.
image © GAT survival
Les hommes y vivent
La zone possède également d’importantes valeurs culturelles et comprend des parties des territoires traditionnels de plusieurs groupes ethniques dont les ayoreo.
Entre 1990 et 2013, la zone qui abrite leur ethnie a subi une déforestation inquiétante. Cette communauté à encore quelques membres qui vivent isolés.
Les autochtones ont eu un faible impact sur l’environnement (petit brûlage périodique, agriculture de subsistance maintien des pratiques de chasse et cueillette alternés avec la culture des vergers l’été). La réserve de biosphère est sensée protéger également leurs terres et leur mode de vie aussi bien que l’écosystème.
© Survival International Les Ayoreo Les indiens ayoreo représentent l'une des 18 ethnies du Paraguay, et une partie d'entre eux vit en Bolivie. Ils sont environ 5000 répartis dans le Chaco, rég...
http://cocomagnanville.over-blog.com/article-paraguay-les-ayoreo-117220289.html
Pour en savoir plus sur les ayoreo
Un documentaire intéressant sur la situation du Chaco et des peuples (guarani entre autre) sur ce territoire :
Le chaco : pris dans l’étau des transnationales et du travail forcé des indigènes
Mots savants
- Xéromorphe : il s’agit d’un organisme qui possède des caractéristiques (feuilles réduites, succulence, importante pilosité, épiderme épais) qui s’adaptent à la conservation de l’eau pour résister aux conditions de sécheresse extrêmes.
Sources : aménagement des forêts naturelles des zones tropicales sèches de R. Bellefontaine, actulatino, survival, courrier international, wikipédia, FAO