Les précieuses veines de la terre
Publié le 25 Novembre 2013
La terre un jour a décidé de saigner ses veines-mères.
Pour ses enfants elle était prête à tout faire
pensant que la réciproque serait le retour bien mérité
des avances caressées.
Dans son lit de citron vert elle dressa son encre d’amertume,
puisant dans sa matière elle y pressa bien ferme
sa tanzanite. Il en sorti du bleu pur de cobalt
prêt à se jeter à l’assaut des tonnes de papier.
Dans le lait d’un riz bien cuit
elle extirpa un germe si bien appris
qu’à jamais les estomacs des enfants seraient nourris,
abondamment.
Dans le suc de manioc débarrassé de son amertume
ses veines tendues dans les abdomens
signaient la promesse des demains,
comme le suc de la pomme de pehuen
là-haut sur son arbre hérissé d’écailles aux airs belliqueux,
mais son essence était suc et espère
en un avenir lumineux.
La petite copihue, timide et la rosée sur ses sépales
n’attendait que l’expression de son encre de rose,
celle qui sur la prose écrit les mots jolis
et sur le glacier Grey, la neige éternelle
sifflait son message d’acier, de froid et de tempérance.
La terre-orange en avait un peu marre de se faire presser
son jus aux multiples vertus,
ses vitamines, évaporées
tristounettes et vagabondes
couraient un monde en train de se chercher.
Et dans le sol toujours fécond
l'opale attendait qu’on lui tire les cartes
de son avenir d’arc-en-ciel aux tons de rêve,
qui dans les tisanes allumerait le zeste d’une vie
moins timorée.
La rose à peine éclose avait déjà dit oui.
Ses pétales portaient en toute conscience
le sel vital de la vie,
elle s’en déferait sans problème
quitte à y laisser quelques aiguillons baissant pavillon.
Le péqui aux multiples vertus se faisait mer d’huile.
Il aidait le roucou à s’étaler sur les joues rebelles
et le roucou se mariait au charbon
pour dessiner sur les corps les plus beaux sillons.
Que j’aime le son de tes cloches au profond bruit de lointain,
datura au parfum de frisson,
aux méchantes vapeurs de malfrat.
Te maîtriser est un art exquis
et le son de ta musique sonne comme un glas ravi.
Le silex contre le silex sifflait son sang de pierre.
Comme la langue de la vipère
son air fendait l’air d’un tryptique qui espère
fertiliser les veines-mères biens purgées par ses enfants.
Le granit dé-cristallisait sa matière pour en faire
un bouillon-blanc aux vertus calmantes
et l’ortie laissait de côté ses urticantes feuilles
pour se faire baume de velours et d’amour,
se couchant sur les plaies alentour.
Dentdelion le pissenlit de son amertume célèbre
sautait dans le lit de la pierre de lune
pour y faire pousser des fruits de vie
et dans un grand courant d’air inspiré d’étoiles filantes
la terre soufflait un grand son :
un opéra de ses veines ardentes
offertes un soir de misère
pour combler les têtes aimantes.
Tout est à refaire.
Les veines ont trop coulé.
La matière veut retourner à la matière
dans son bois retrouver ses cerneaux aimés
et dans sa pierre son grain pur,
dans ses ruisseaux son onde cristalline,
dans ses feuilles sa chlorophylle mûre,
dans sa terre l’argile douce et dure
pour y semer haut et clair
les graines d’un avenir fier,
d'une planète sur laquelle
plus jamais le sang ne serait tiré,
les veines tranchées et balancées
dans le caniveau de la négligence.
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